À quoi ressemblerait un monde sans adultes, décimés par un virus mortel? Réponse brutale et onirique de l’écrivain italien Niccolo Ammaniti avec la série Anna, inspirée de son livre éponyme et diffusée dès demain sur ARTE.
Près de trois ans après Il miracolo, qui a connu un beau succès sur ARTE et qui imaginait une Italie bouleversée par une madone en plastique pleurant des larmes de sang, l’écrivain Niccolo Ammaniti revient avec une nouvelle série dystopique et choc qu’il a cette fois lui-même réalisée sur la base de son roman Anna publié en 2015.
La série en six épisodes – une adaptation «très libre» de l’ouvrage, selon le romancier – s’ouvre en Sicile où Anna, 12 ans et son petit frère Astor, environ 6 ans, vivent seuls comme tous les autres enfants depuis qu’un virus, «La Rouge», a rayé de la carte tous les adultes quatre ans auparavant – un peu dans la même idée que l’excellente BD Seuls, de Vehlmann et Gazzotti.
Mais leur vie en autarcie bascule le jour où Astor est enlevé. Anna se lance alors à sa recherche dans une Sicile ravagée et peuplée d’enfants et adolescents «ensauvagés»… «Le virus était un expédient pour raconter ce qui se passe lorsque l’on laisse seuls nos enfants, sans culture», souligne Niccolo Ammaniti, dont les best-sellers sombres et chaotiques (Je n’ai pas peur, Comme dieu le veut, Moi et toi, La fête du siècle) ont souvent eu des enfants et adolescents pour protagonistes.
«Je ne crois pas à l’idée que les enfants livrés à eux-mêmes soient innocents. Ils peuvent exprimer le pire de notre société», poursuit l’auteur qui explique avoir voulu aussi raconter «l’espoir d’une enfant, Anna, qui a quelque chose en plus». «La loi du plus fort» prévaut dans son monde et «elle est différente, elle cultive la mémoire, la connaissance, la lecture» sans lesquelles «il n’y a pas de futur», expose encore Niccolo Ammaniti, dont les inspirations pour la série ont été multiples, du tableau Jeux d’enfants du peintre flamand Pieter Brueghel au film Apocalypto de Mel Gibson.
Quand la nouvelle d’un virus, qui ne semblait toucher que les adultes, est arrivée, j’étais éberlué et perplexe
Mais «quand la nouvelle d’un virus, qui ne semblait toucher que les adultes, est arrivée, j’étais éberlué et perplexe», se souvient l’auteur, qui s’est vu prêter des «pouvoirs divinatoires» lorsque l’épidémie de covid-19 a télescopé en 2020 sa fiction, interrompant son tournage six mois après son démarrage. Passée la sidération du confinement, l’auteur-réalisateur met à profit la période pour monter une partie des scènes tournées, identifie celles dont il n’est pas satisfait pour les tourner à nouveau et maintient le lien avec son équipe de jeunes comédiens.
Des dizaines d’enfants dont il salue le professionnalisme, contredisant l’idée reçue des enfants-rois sur les tournages. «Par rapport à tout le monde, ce sont eux qui ont le mieux tenu. Giulia (NDLR : Dragotto, l’interprète d’Anna) en a vu des vertes et des pas mûres sans se plaindre», affirme-t-il. «Anna m’a aidée à grandir d’une façon positive, elle m’a aidée à comprendre beaucoup de choses», estime Giulia Dragotto qui a bénéficié, comme l’ensemble des enfants, du coaching sur le plateau de l’actrice Lorenza Indovina, l’épouse de Niccolò Ammaniti.
Malgré la dureté des sujets abordés par la série – la mort, omniprésente, la survie, la perte – l’adolescente palermitaine, choisie parmi 2 000 candidates, assure ne pas avoir éprouvé «d’angoisse, de cauchemar, ni de nuit d’insomnie». «La série ne parle pas que d’une pandémie. Pour moi, la leçon se trouve dans le livre légué par la mère d’Anna : la vie ne nous appartient pas, nous ne faisons que la traverser», analysait déjà la comédienne lors de la diffusion en avril dernier de la série en Italie, qui l’a propulsée dans la sphère des talents à suivre.
LQ