Lancée en 2019, l’«Opération Ronde de nuit» poursuit son minutieux travail de restauration du célèbre tableau du maître néerlandais. Au Rijksmuseum, public et spécialistes s’activent autour de la toile, sans savoir quand les travaux s’arrêteront. Ambiance.
Dans un écrin de verre au Rijksmuseum d’Amsterdam, scrutant les moindres détails à l’aide de microscopes, des spécialistes restaurent en public l’un des tableaux les plus célèbres des Pays-Bas – et du monde : La Ronde de nuit de Rembrandt fait peau neuve.
Une équipe de huit restaurateurs d’art a commencé de retirer minutieusement les couches de vernis du chef-d’œuvre du XVIIe siècle de Rembrandt, représentant une compagnie de la milice bourgeoise des mousquetaires d’Amsterdam. Baptisée «Opération Ronde de nuit», la restauration du tableau est d’une telle ampleur que les spécialistes ne savent pas quand le travail sera terminé. Pour mémoire, ils ont débuté en juillet 2019.
Maintes couches de vernis ont été appliquées dans le temps sur ce tableau de 3,62 mètres de haut sur 4,37 mètres de large, peint par Rembrandt en 1642, au sommet de sa carrière. Des restaurateurs successifs ont cherché dans le passé à préserver sa beauté et à réparer la toile, après plusieurs tentatives de dégradation.
Les dernières couches de vernis ont été appliquées en 1975, après le geste d’un déséquilibré qui l’avait tailladée à coups de couteau, puis en 1981 et en 1990 après une tentative de dégradation avec de l’acide. «Nous avons vu que, ces dernières années, le vernis avait jauni et était devenu par endroits moins transparent», observe le directeur du Rijksmuseum, Taco Dibbits.
«Les précédents projets de restauration se sont déroulés très, très vite», poursuit-il. L’«Opération Ronde de nuit» vise à retirer le vernis et à exposer la peinture d’origine, avant qu’un nouveau vernis spécialisé ne soit appliqué pour obtenir un résultat qui «se rapproche le plus de sa gloire d’antan», explique-t-il.
Dans un espace clos, mais à la vue des visiteurs du musée, Anna Krekeler applique soigneusement un petit morceau de tissu absorbant sur une partie du tableau représentant la manche d’un tambourineur de la milice. Lors d’une opération délicate qui prend à peine une minute, elle applique le tissu, imbibé de solvant, sur le tableau, avant de le recouvrir d’un carré de plastique souple.
«Lorsque nous l’enlevons, tout le vernis est absorbé par le tissu, et se détache», explique Esther van Duijn, restauratrice et conservatrice de tableaux. Les restaurateurs utilisent ensuite un coton-tige pour éliminer tout résidu de vernis restant sur la surface du tableau. «Je pense que le plus excitant et peut-être le plus effrayant, c’est que les gens regardent par-dessus notre épaule, mais une fois qu’on commence à travailler, on a tendance à l’oublier», s’amuse-t-elle. «Pendant ce processus, le public peut venir voir quelque chose de passionnant et d’exceptionnel», abonde Taco Dibbits.
«Vous pourrez voir la Ronde de nuit nue, en quelque sorte sans maquillage, c’est quelque chose d’incroyable à voir», ajoute-t-il, même si la distance du public vis à vis de la toile gâche quand même l’expérience. Des visiteurs curieux filment et commentent les travaux qui se déroulent sous leurs yeux.
«C’est ma première visite à Amsterdam et je ne m’attendais pas à voir la Ronde de nuit dans une pièce derrière une vitre», raconte Daniela Bueno, une Brésilienne de 57 ans. «Mais c’est un travail tellement délicat, et c’est incroyable d’assister au processus de restauration qui prendra encore des années!», confie-t-elle.
Le retrait du vieux vernis sur cette oeuvre est la troisième étape d’un projet de recherche et de conservation qui a commencé il y a cinq ans. Pas moins d’une trentaine d’experts travaillent dessus, l’étudiant méticuleusement avec des techniques d’imagerie et de technologie informatique des plus avancées.
Lors de la première phase du projet, ces derniers ont notamment découvert un croquis sous les couches de peinture, révélant la genèse du chef-d’œuvre du maître néerlandais. Taco Dibbitsa est catégorique : l’équipe est parvenue à faire «la photographie la plus haute résolution jamais réalisée d’une œuvre d’art». «Maintenant, le public peut vraiment zoomer sur l’image, plonger dans l’image et voir presque tous les pigments», a-t-il salué.
Après cette nouvelle étape, le tableau aura une apparence plus grise qu’avant, mais ce sera «temporaire», ont toutefois déclaré les conservateurs. La prochaine phase sera ensuite l’application d’une nouvelle couche de vernis, la retouche de dégradations et enfin, un nouveau cadre. «J’espère qu’il sera alors presque aussi beau qu’à son ancienne gloire», déclare Esther van Duijn. Personne ne sait quand les travaux seront finis, selon le directeur du musée. «C’est le tableau lui-même qui décide du temps qu’il faudra, du rythme à prendre», dit-il.