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[Album] Quand le leader de Future Islands fait du rap


Hemlock Ernst, ici en concert au Pehrspace de Los Angeles (Photo : capture You Tube).

Back at the House, signé par Samuel T. Herring sous le nom de scène d’Hemlock Ernst, est notre choix d’album de la semaine. Enregistré avec les services du producteur le plus en vue de Los Angeles, Kenny Segal.

Jusqu’à maintenant, on le connaissait comme le leader charismatique, et remuant, de Future Islands, groupe à la pop synthétique qui donne des fourmis aux jambes. Un frontman toujours prompt à tout donner sur scène comme s’il s’agissait du dernier concert avant la fin du monde. Un «fou», comme il se définit, qu’on croirait tout droit sorti du film They Shoot Horses, Don’t They? (Sydney Pollack, 1969) évoquant ces marathons de danse organisés durant la Grande Dépression, aux airs de ressemblance étrange avec le punk Henry Rollins, le Marlon Brando d’A Streetcar Named Desire pour l’allure ou l’acteur Jim Carrey pour l’élasticité du corps.

Intactes ambitions urbaines

Qu’on se le dise, Samuel T. Herring a plus d’un tour dans son sac, et quand il retourne sa casquette et monte les basses à fond, il se transforme en rappeur (toujours sur ressorts) sous l’étiquette de Hemlock Ernst. En témoigne ici son premier essai «officiel», Back at the House, confirmant ses intactes ambitions urbaines qu’il avait déjà dévoilées par le passé en compagnie de certains représentants du genre, et non des moindres (Jpegmafia, Open Mike Eagle et encore Madlib, notamment avec l’EP, réussi, du projet Trouble Knows Me en 2015).

Avec la crème de l’Est

Ce coup-ci, pour lancer solennellement sa double étiquette, Samuel T. Herring s’appuie sur les services du producteur de Los Angeles Kenny Segal – auteur d’un des disques les plus remarquables de 2019, Hiding Places de Billy Woods –, dont le nom accompagne le sien sur la pochette de l’album, comme s’il voulait, par ce geste, se donner plus de légitimité.
Cela dit, à l’écoute de Back at the House, on se dit que ce Hemlock Ernst ne va pas devoir trop forcer le trait pour imposer son nom dans le milieu, grâce à onze chansons audacieuses et parfaitement maîtrisées. Pas de faux-semblants avec lui qui, comme une habitude chevillée au corps, ne fait pas dans la retenue, aussi bien dans les textes, qui évoquent, pêle-mêle, la complexité des relations humaines, la dépression, que dans les sonorités proposées, lorgnant forcément (un réflexe?) la pop et le rock – «indépendant», cela va de soi. Samuel T. Herring pousse même le vice jusqu’à mettre plus de guitare (acoustique) dans ce disque que sur ceux de Future Islands…

 Flow impeccable

Un album, donc, au rap réfléchi, contemplatif, spatial, parfois remuant, mais surtout habilement orchestré et au flow impeccable, évitant le modernisme «vocodé» et les références trop modernes. Au contraire, à son écoute, on est plutôt dans le genre «alternatif» rappelant les plus belles années du label Anticon.
On devrait d’ailleurs retrouver le nom de Hemlock Ernst sur la prochaine production de DJ Shadow, Our Pathetic Age, prévue pour le mois à venir. Quant à Samuel T. Herring, on dit qu’il prépare de nouveaux titres pour Futur Islands, dans la lignée de ceux présentés récemment lors d’un concert à Northampton, Massachusetts.

Frénétique, apparemment, il ne l’est pas seulement sur scène. Au point de devenir bientôt incontournable ?

Grégory Cimatti

Hemlock Ernst & Kenny Segal, Back at the House, Sorti le 25 octobre, Label : Ruby Yacht Genre : rap