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[Album de la semaine] Wombo, pour l’amour du risque


Ce qui frappe l’oreille, c’est d’abord l’atmosphère de l’ensemble, sombre, voire surréaliste. (Photo Fire Talk)

Quatrième production de Wombo, Danger in Fives sait prendre des risques avec ses mélodies accrocheuses teintées d’une couleur punk et inventive.

Ces derniers temps, le terme post-punk est cuisiné à toutes les sauces, qualifiant des groupes à la fibre nerveuse comme ceux plus expérimentaux et plus apaisés. Qu’importe, répondra-t-on, car il est également de coutume de s’affranchir vite de l’étiquette. Les exemples sont en effet nombreux (Black Country, New Road, Black Midi, Squid, Shame…), même si le plus éloquent en date reste celui de Fontaines D.C., passé d’un rock incisif qui se beugle dans les pubs irlandais à une pop qui se chantent dans les stades. Dans cette confusion, il y a Wombo, genre un peu à part, en retrait de la mêlée, traçant sa route avec discrétion.

Ce trio de Louisville (Kentucky) n’a lui aussi pas attendu des plombes pour prendre des chemins de traverse, brouillant les cartes dans la foulée de son premier disque, Staring at Trees (2017), effectivement «rentre-dedans». Depuis, bien malin sera celui qui pourra définir son style, travaillé patiemment et rigoureusement, comme un peintre pourrait le faire avec une toile sur laquelle il revient ponctuellement, sans jamais vraiment l’achever. «On a très rapidement jeté beaucoup de peinture et le tableau était presque terminé, mais on l’a encore peaufiné pendant une année», écrit le guitariste Cameron Lowe.

Privilégier le «plaisir d’explorer»

Il justifie la formule par une autre : «S’éloigner d’une mentalité axée sur les résultats» et privilégier le «plaisir d’explorer». Une démarche qui définit bien Danger in Fives, quatrième production qui, comme l’indique le titre, sait prendre des risques. Il est surtout le fruit d’une croissance tranquille, selon son label, Fire Talk (Cola, Patio, Hannah Frances) : «Ce n’est pas une renaissance, mais un rappel», clame-t-il, parlant de Wombo comme d’un groupe qui se «perfectionne systématiquement».

Avant ce constat, il y aura eu deux précédents disques qui jouent sur le caractère du petit dernier : Blossomlooksdownuponus (2020), expérimental, et Fairy Rust (2022), plus maîtrisé et charmeur, ce qui lui a valu un beau retour du public (et des critiques) et d’engranger de la confiance pour la suite. Celle-ci arrive à travers la réunion de onze titres courts (28 minutes au total), qui ne font rien comme les autres. Ce qui frappe l’oreille, c’est d’abord l’atmosphère de l’ensemble, sombre, voire surréaliste. Poisseuse même, car on se débarrasse difficilement de l’impression laissée par le chant de Sydney Chadwick, qui colle à la peau.

S’éloigner d’une mentalité axée sur les résultats et privilégier le plaisir d’explorer

Sa voix, éthérée, quasi mystique, est le véritable attrait de Wombo, faisant beaucoup pour sa singularité. Fantomatique, elle semble comme voler au-dessus des instruments, notamment cette basse (qu’elle joue aussi) aux élans mélancoliques. Derrière, la guitare et la batterie (assurée par Joel Taylor) ne sont pas en reste, montant régulièrement au front pour ajouter une touche «arty» et offrir un contrepoint dynamique – la première, particulièrement, avec ses riffs dissonants. À cette association étonnante se mêlent de rares textures synthétiques et une boîte à rythmes. Au bout, encore une fois, quelque chose de peu commun, et pourtant efficace.

Oui, au petit jeu casse-gueule des définitions, Wombo place la barre haut, même s’il lui arrive d’être moins audacieux (comme sur les chansons Common Things et A Dog Says). Essayons quand même : il y a d’abord, chez lui, la façon de créer des mélodies comme dans les années 1990, accrocheuses. De là, il va les teinter d’une couleur punk et inventive, délaissant à l’occasion le classique couplet-refrain ou s’amusant sur des rythmes bancals. Il y a enfin, pour emballer le tout, cette voix que l’on verrait plus à l’aise sur de la «dream pop» ou un rock haut perché façon «shoegaze».

Mais non, aucune erreur au casting. On songe alors à plein de références, difficiles à démêler, de Lush à Dry Cleaning, de Cate Le Bon à Gang of Four, de Blonde Redhead à Young Marble Giants. Toutes sont valables, mais toutes ne suffisent pas à définir Danger in Fives, à travers lequel on avance comme sur un fil tendu entre nervosité et subtilité. Mais si l’album est exigeant, il n’est pas pour autant sophistiqué. Pour s’en assurer, le mieux, c’est encore de l’écouter. Le voyage en vaut la peine.

Wombo, Danger in Fives. Sorti le 8 août. Label Fire Talk. Genre rock

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