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[Album de la semaine] «Why Lawd?» de NxWorries, toujours sans problème !


(photo DR)

Cette semaine, Le Quotidien a choisi d’écouter le dernier album de NxWorries Why Lawd? sorti le 7 juin sur le Label XL Recordings.

Huit ans, c’est long. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir vu Anderson .Paak un peu partout durant ce laps de temps : avec le gratin du rap West Coast (Dr. Dre, qui l’a fait découvrir, Kendrick Lamar, The Game, Snoop Dogg…) et d’autres pointures ultrarespectées de la planète hip-hop (Eminem, Rapsody, André 3000…), mais aussi avec ses copains : The Free Nationals, groupe de soul-funk dont il fut longtemps le batteur, le regretté Mac Miller, sans oublier la superstar Bruno Mars, avec qui il forme le duo Silk Sonic.

Que du très bon, mais rien qui ne nous ait fait oublier que NxWorries, projet collaboratif fondamental qui avait associé .Paak au producteur de génie Knxwledge pour un EP (Link Up & Suede, 2015) et un album (Yes Lawd!, 2016) exceptionnels, dormait pendant tout ce temps.

L’autre moitié du duo non plus n’est pas du genre à chômer : si l’on en croit les interminables séries de «mixtapes» instrumentales qu’il balance régulièrement depuis une douzaine d’années sur sa page Bandcamp (déjà six cette année), Knxwledge passe sa vie en studio. Quand il ne produit pas pour d’autres (Action Bronson, Joey Bada$$, Roc Marciano…), il construit petit à petit un catalogue en ligne de haute qualité, où les brouillons sont impossibles à distinguer des travaux finis.

 

Dans ce nouvel album encore, le «beatmaker», qui dresse à lui seul un pont entre les deux côtes américaines (originaire du New Jersey et basé à Los Angeles, sa patte soul renvoie forcément au rap de l’Est américain), pioche dans sa librairie : c’est notamment le cas de MoveOn et son sample de guitare langoureux, typique du «chillhop» signé Knxwledge, sur lequel Anderson .Paak confie tôt dans Why Lawd? : «I can’t do the things I used to do».

Une pointe d’humour que l’on appréciera à sa juste valeur tandis qu’on se laisse porter par le courant, le temps d’un album aux ambitions aussi risquées que celles déployées dans leur premier «long play», et peut-être encore plus réussies. Certes, les deux moitiés de NxWorries mettent tout leur cœur à l’ouvrage en restant chacun dans ses plates-bandes, mais renversent les attentes en déroulant le tapis rouge à un Anderson .Paak qui – bien qu’il ne donne cette impression à aucun moment – se met en difficulté.

Knxwledge en chef d’orchestre inspiré révèle un Anderson .Paak qu’on ne connaissait pas encore

Ses mots, toujours enrobés du second degré qui le caractérise, sont ici plus âpres que farceurs, et démontrent à l’occasion une colère contenue qu’on ne lui connaissait pas encore. La douleur qui traverse WalkOnBy (avec un couplet dingue offert par Earl Sweatshirt) est égale à l’espièglerie de KeepHer (soutenue par les interventions du trublion Thundercat) : deux exemples de blues rappés qui se posent en pierres angulaires de l’album.

L’alchimie entre les deux surdoués a évolué avec le temps – on l’entend en comparant leurs deux albums communs jusque dans leur titre : Yes Lawd! affirmait, Why Lawd? questionne. Les garçons de 38 (.Paak) et 36 ans (Knxwledge) ont chacun fait leur chemin dans le business de la musique, au rythme d’un travail acharné (sans oublier leurs talents monstrueux), l’un reclus dans l’ombre, l’autre en pleine lumière.

On n’oserait certainement pas réduire Anderson .Paak à l’état de simple instrument, mais c’est bien Knxwledge ici qui met en œuvre toutes ses capacités de chef d’orchestre; ce qui semble moins un privilège de vieux copain qu’une preuve mutuelle de confiance créative. Et si on reste enchanté par la chaleur neo-soul de Where I Go (le son le plus Anderson .Paak de l’album), on se surprend quand le chanteur pose sur les nappes «synthwave» de Daydreaming ou, mieux, quand il «kicke» avec une force de frappe insoupçonnée (86Sentra et, surtout, la bien nommée Battlefield). Et si l’on avait encore des doutes sur leurs pouvoirs, visez la pochette : ici, «goat» (bouc, chèvre) vaut pour «greatest of all time».

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