Le trio «made in Chicago» Arthhur déverse une énergie sauvage et libératrice dans son nouvel album, Occult Fractures, petite bombe sortie en sous-marin il y a un peu plus d’un mois sur le label indépendant Back to the Light, également basé dans la métropole de l’Illinois.
Formé à la fin de la décennie 2010, le groupe est avant tout un terrain d’expérimentation musicale pour les multi-instrumentistes Mike Fox et Matt Ciani, plus tard rejoints par le bassiste Luke Dahlgren. Ensemble, en quelques albums sortis sur leur page Bandcamp, ils ont exploré le rock indépendant (Come Meet the Opposite Committee, 2018), l’electro 8-bit inspirée des jeux vidéo (Dark Sporch Chronicles, 2018) et le new age méditatif (Let’s Go Piss in the Lake, 2020).
À l’aise dans tout et divinement doués, les trois membres d’Arthhur s’étaient surtout éclatés sur leur premier «vrai» album, Lost in the Walled City (2018) : derrière une pochette aux allures ska se cachait une pépite «no wave» que le groupe conseillait d’écouter «à vélo et en colère». Et au lieu de poursuivre leurs pérégrinations musicales, ils semblent aujourd’hui avoir trouvé «leur» son. C’est en tout cas ce que démontre Occult Fractures, qui poursuit le travail amorcé par son prédécesseur tout en présentant une instrumentation plus fleurie et une puissance sonore toujours plus forte.
Idée reçue : la dance music s’adresse avant tout aux «clubbeurs». Un bon morceau ne repose toutefois pas uniquement sur un tempo entraînant et une mélodie convaincante. Du fun pour tous, c’est le credo d’Arthhur; eux en sont bien armés pour transformer une piste de danse en une masse humaine euphorique. Car à côté de leur amour pour la dance, les trois Chicagoans ont prouvé par le passé, à travers l’anticonformisme qui caractérise leur parcours, qu’ils sont avant tout des punks, et des vrais.
Le punk et ses dérivés se déploient dans la majorité de l’album en prenant différents visages – krautrock ((Immanentizing the) Eschaton), disco-punk (Doom Journalism et Keep Moving), new wave (Antihistamine Money et Ripped and Dumb) – et le trio tire sa révérence au genre sur l’explosif No Results, deux minutes de pure sauvagerie. Pendant un peu plus de trente minutes, Arthhur a démontré une maîtrise folle d’un groove qu’il a modelé minutieusement et jusque dans les moindres détails – l’étourdissant trio batterie-basse-violon dans Doom Journalism, une référence furtive aux Beatles au début de Keep Moving – et a fait transpirer le punk dans des paroles qui sonnent comme des slogans : «La peur est le moteur, ils sont les roues, nous sommes le conducteur refusant de conduire» (Doom Journalism), «Ils disent, la politique, je n’en parle pas, il est grossier de discuter de questions morales pertinentes» ((Immanentizing the) Eschaton).
Mais No Results ne marque pas la fin de l’album, loin de là. Les saxophones qui, à l’instant, partaient dans tous les sens, deviennent soudain langoureux. On pense forcément à Wham!, et à raison : en un rien de temps, le disque bascule dans un trou de ver qui emmène l’auditeur dans la dimension disco, avec deux titres, l’exaltant Never Enuff puis le plus lent et sensuel Occult Fractures. Si ce dernier morceau donne son titre à l’album, c’est pour une raison : Arthhur certifie qu’il trouve son équilibre dans cette hétérogénéité. Après tout, quand on est punk, on fait ce qu’on veut.
Valentin Maniglia