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[Album de la semaine] The Mystery Lights, entre ciel et terre


Retrouvez notre critique de l’album de la semaine.

The Mystery Lights est un groupe qui ne semble jamais vraiment être à sa place, ni de son temps. Plusieurs indices contribuent à cet examen. Déjà, il n’a pas de page Wikipédia à son intention, ce qui aurait permis d’apprendre que Michael Brandon et Luis Alfonso Solano, ses deux créateurs, s’amusent sous ce nom depuis bientôt deux décennies seulement marquées par la sortie de cinq albums (dont deux auto-produits).

Ce qui fait mince. Mieux, et toujours aussi singulier, ils doivent leur mise en lumière et leur notoriété à un label de soul, et pas n’importe lequel : Daptone, soit l’allié de noms qui comptent comme Jalen Ngonda, Lee Fields, Sharon Jones et le feu Charles Bradley. C’est eux, en effet, que la vénérable institution a choisi pour lancer sa nouvelle division rock en 2016, Wick Records.

Jusque-là, le quintette s’était surtout fait une belle réputation sur scène où il est considéré comme l’un des phénomènes les plus «existants» du moment, selon Bandcamp, avec ses airs furieux et ses reprises obscures (The Screamers ou Dead Moon, deux influences revendiquées). C’est d’ailleurs la presse new-yorkaise qui s’en est fait le relais, défendant une formation installée dans le Queens, mais faussement considérée comme locale car venant en réalité de la ville de Salinas, en Californie.

Une récupération qui tient peut-être à la façon dont ses membres tirent la tronche et ne quittent pas leurs lunettes noires sur les photos, façon Velvet Underground. Enfin, pour en finir avec ces extravagances, reste la plus notable d’entre elles : The Mystery Lights semble être tout droit sorti d’une faille spatio-temporelle, avec ses sonorités «vintage» résolument psychédéliques.

Un groupe qui ne semble jamais être à sa place, ni de son temps

On avait déjà eu la démonstration ébouriffante avec le bien nommé Too Much Tension en 2019, qui, malgré la concurrence, s’est imposé, de toute son énergie, comme l’un des albums les plus réussis de l’année. Il faut dire que la proposition ne manquait pas de sel ni d’inventivité, avec une combinaison de fougue quasi adolescente et de savoir-faire rétro-chic, mixés dans le studio House of Soul, temple de l’analogique qui est parvenu à canaliser la puissance scénique du groupe – Wayne Gordon, producteur de talent (Kali Uchis, BadBadNotGood…), y est sûrement pour quelque chose.

Évidemment, quand on s’inspire des années 1960-1970, les esprits d’anciens fantômes ressurgissent. C’est inévitable. Ils sont ici nombreux : Can, The MC5, The Kinks, Captain Beefheart, The Fall, Suicide, mais aussi The 13th Floor Elevators, grande inspiration hallucinée, et The Monk pour le côté rigolo mais pas trop.

En dehors de Ghost Woman, ils sont peu aujourd’hui à se caler avec autant d’authenticité sur les modèles de l’époque. Mais The Mystery Lights le fait à sa manière, à la cool, un peu je-m’en-foutiste même. Michael Brandon confiait récemment que son groupe cherche avant tout à «s’amuser», lui et son public. «Créer une grosse fête», résumait-il.

Dans cette ambiance invitant à la relâche, les moyens sont parfois dérisoires, comme cela s’observe sur Purgatory, son troisième album. Ainsi, sur un morceau inspiré de la country (Sorry I Forgot Your Name), une guitare déchire la mélodie pour poser un solo bancal. Et sur tous les autres, la patine «lo-fi», sensible, donne envie d’écouter le disque sur une platine vinyle. Mais considérer que l’on a affaire à un collectif qui défend juste une approche nostalgique serait réducteur.

The Mystery Lights, à l’instar d’autres représentants modernes du rock «garage» (Ty Segall, Osees…), n’est pas d’un temps révolu. En effet, son charme tient autant à un respect des racines qu’à un sens aigu pour une musicalité moderne. Au point que sur un peu plus d’une demi-heure et douze chansons au groove certain, la troupe enchaîne les bonnes idées, jamais semblables et, surtout, éloignées de toute imitation.

Son arrogance punk, ses riffs rageurs, ses synthétiseurs aériens, sa sensibilité pop et sa sophistication ne trouvent aujourd’hui pas d’égal. Quant à savoir à quel saint se voue le groupe, Michael Brandon donne la réponse dans Automatic Response : «J’ai tenu la main de beaucoup trop de prophètes / Et j’ai essayé de comprendre lequel m’a fait les poches». C’est dit : The Mystery Lights ne compte que sur lui-même, et c’est tant mieux.

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