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[Album de la semaine] «Peace Loving People» de Pardoner : «Back to the nineties !»


C’est frais et à la cool ! (photo DR)

Cette semaine, Le Quotidien a choisi d’écouter l’album de Pardoner, Peace Loving People, sorti le 23 juin sur le label Bar/None Records.

Qu’il est bon, parfois, de remonter aux racines et de réécouter la musique des débuts, celle qui, contrairement à d’autres, reste en tête toute la vie. On s’imagine repartir à l’aube des années 1990, à se voir attendre le bus pour le lycée, le sac en bandoulière d’où se détache un patch Iron Maiden. Casque sur la tête, le walkman crache une compilation de rock «indie», comme on disait (et comme on dit toujours, d’ailleurs). Sur la cassette, des noms ajoutés au stylo à bille : Dinosaur Jr., Pixies, Pavement, Sebadoh…

Aujourd’hui, il arrive que ces souvenirs débarquent sans prévenir, grâce à la fibre «vintage» de certains jeunes groupes, repartant trente ans en arrière sans forcément le vouloir, ni le revendiquer. Pas question ici de nostalgie donc, mais plutôt de goût commun pour la guitare et pour l’attitude relâchée. Des aptitudes qui ne connaissent pas non plus de frontières, comme le prouvent les récentes productions déferlant du Mexique (notamment celle de la formation El Shirota) ou même d’Indonésie (Subsonic Eye).

Sur des bases moins exotiques et plus connues, Pardoner est de ceux-là. Un quatuor de San Francisco qui, malgré son jeune âge, se plaît à invoquer les esprits anciens. Un saut dans le temps qui en épouse tous les codes : des pochettes peu soignées dans un style «Do It Youself» (conférer celle de Came Down Different, sorti en 2021), de courts morceaux qui alternent mélodies et guitares hargneuses, tout en distorsion, et enfin, un côté potache, entre dérision, moquerie et autoflagellation.

Rien ne sert de trop se prendre la tête, l’important, c’est de jouer !

On appelle cela le «slacker rock» (rock de fainéant), ce qui pourrait se résumer à cette philosophie : «Rien ne sert de trop se prendre la tête, l’important, c’est de jouer.» Recette que s’applique d’ailleurs à mettre en œuvre Pardoner. Il eut d’abord deux premiers albums déjà bien sentis – Uncontrollable Salvation (2017) et Playin’ On A Cloud (2019) –, suivi du dernier en date, jusque-là le plus réussi de sa discographie. Car c’était avant Peace Loving People, leur sommet pourtant enregistré en quatre petits jours.

Mais chez eux, la spontanéité a du bon. D’abord dans les paroles, «un peu sarcastiques et pince-sans-rire», suppose Trey Flanigan, guitariste et chanteur, sur Bandcamp. On pourrait rajouter cyniques, quand on écoute ses réflexions sur les grandes villes, leurs habitants névrosés et leurs comportements (notamment dans la chanson Get Inside!, qui raconte ce vain combat pour rester «dans le coup»). Et universelles aussi, quand Pardoner se montre contre la guerre, et pour l’amour et les drogues (Are You Free Tonight? invite à prendre une «petite pilule», car «il n’y pas d’autre choix que de danser»).

 

Ensuite, d’un point de vue musical, où le rock avance en roue libre. Sur les quatorze titres, les guitares brûlantes (qui font penser, entre autres, à Polvo, Sonic Youth et The Smashing Pumpkins) se mêlent aux chants relâchés, voire impassibles, qui se croisent comme dans un ennui. Au bout, une traversée d’une demi-heure entre les différents courants du rock alternatif américain de l’époque, du grunge de Seattle au hardcore de San Francisco en passant par la pop-rock universitaire.

Une belle (et courte) odyssée que le groupe aborde avec ce flegme qui le caractérise si bien. On pourrait le croire crâneur et distant. Il est plutôt plus sûr de lui, n’ayant désormais plus rien à prouver à personne. On a même l’impression qu’ils font de la musique avant tout pour eux-mêmes et leurs amis, tout en gardant en tête qu’il ne faut pas trop être sérieux, ni ennuyeux. Bref, c’est frais et à la cool. Du Pardoner, quoi !