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[Album de la semaine] METZ : comment font-ils pour jouer si fort ?


Image extraite du clip No Ceiling, du dernier album du groupe METZ. Un peu à l'image du son ! (Photo : DR).

Le bureau culture du Quotidien sélectionne Atlas Vending, du groupe METZ, comme album de la semaine.

Mais comment font-ils pour jouer si fort ? Voilà la question qui s’impose régulièrement à un concert de METZ, s’amusant à chaque sortie à souffler tout le premier rang, et laissant un léger acouphène en guise de souvenir à un auditoire sous le choc.

Une démonstration de force qui, attention, ne consiste pas bêtement à augmenter tous les curseurs de la sono, mais bien à donner corps à cette déferlante abrasive, tête baissée et fureur en bandoulière. Une performance cathartique que le groupe essaye d’ailleurs de reproduire en studio, comme ce fut le cas sur son dernier essai, l’excellent Strange Peace (2017), qui a bénéficié au passage de l’expertise d’un autre agité, Steve Albini (Shellac). Voilà une décennie que METZ – qui, comme son nom ne l’indique pas, vient de Toronto (Canada) et non de Lorraine – garde cette cadence frénétique. Avec lui, en effet, pas de place au compromis : on est là dans la sauvagerie hardcore, agressive et animale, mâtinée d’un peu de grunge (d’où sa présence, depuis 2012, sur le label de référence Sub Pop) et de noise, qui fait clairement son petit effet. En tout cas, il maîtrise la règle de trois sur le bout des doigts : trois instruments, trois accords et un nombre de décibels à trois chiffres. À l’époque, il poussait même l’idée jusqu’à proposer des chansons qui excédaient rarement les trois minutes. Mais comme l’affirme aujourd’hui son guitariste-chanteur, Alex Edkins, dans une ironie qui ne trompe pas : «Le changement est inévitable… si vous avez de la chance !»

Si l’année dernière, METZ, toujours la tête dans le guidon, a trouvé le moyen (et le temps) d’enrichir les bacs des disquaires avec une nouvelle référence à son nom, Automat – soit une compilation de titres secondaires et de raretés –, ce coup-ci, il a décidé d’éviter de faire dans la réédition, voire de surprendre. Pour preuve, cette première bouteille jetée à la mer, mi-juillet, annonçant cet Atlas Vending à venir : A Boat to Drown In, titre à la mélodie imparable qui, sur plus de sept minutes, s’amuse à multiplier les couches et à les étirer dans un long écho bruitiste.

Le trio regorge d’idées

Un sommet du genre et une preuve supplémentaire que le trio regorge d’idées, et ouvre son champ des possibles. «Notre objectif est de rester en mouvement !», poursuit Alex Edkins qui cherche, avec ses deux acolytes (le bassiste Chris Slorach et le batteur Hayden Menzies), à ne pas «intellectualiser» la musique, mais toujours à «aller de l’avant». Cette nouvelle démonstration confirme la philosophie. D’abord avec ce choix d’enregistrer non plus du côté de l’Electrical Audio, mais chez le New-Yorkais Ben Greenberg (également guitariste du duo Uniform), tout en s’adjoignant les services du compétent Seth Manchester (Daughters). Ensuite, par extension, en recherchant un impact plus froid, plus mordant, sec comme a pu l’être en son temps Fugazi. Enfin, en distillant, ici et là, quelques originalités qui ne lui ressemblent pas, comme cette remuante chanson d’amour (No Ceiling) ou encore ces discrets chœurs (Blind Youth Industrial Park). Mais que les fans se rassurent : avec METZ, il est toujours question de matraquage. D’ailleurs, ses armes habituelles sont aiguisées : une rythmique percutante, tout en sueur, des lignes de basse saisissantes, et une guitare tranchante qui aime se perdre dans ce chaos maîtrisé.

Atlas Vending montre finalement ce que le groupe a toujours attendu : trouver un équilibre entre harmonie et agressivité, entre racines féroces et envie de patience. Oui, rien n’est blanc ni noir dans ce triste monde, mais plutôt gris, comme en attestent la pochette et des textes qui ramènent à l’ambiance du moment, entre anxiété sociale, dépendance, isolement, paranoïa… Sans oublier cette envie de tout laisser derrière soi, comme une mauvaise histoire. METZ, lui, construit honnêtement la sienne et s’offre même, alors que le virus persiste et laisse les salles closes, plusieurs live (en streaming payant), et ce, dès ce soir, en direct de Toronto. L’occasion de monter le son et d’en faire profiter tout le voisinage, qui se dira sûrement : «Mais qui est-ce qui joue si fort ?»

Grégory Cimatti