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[Album de la semaine] Les Black Lips en mode cow-boys


Le groupe revient avec un neuvième album qui porte en lui toute l'ironie, le cynisme et le sens du décalage (Photo : DR).

Oui, il fallait bien s’y attendre, surtout de la part d’un groupe aussi facétieux, braillard et difficilement classable. Revoilà donc les Black Lips, quintette aux trognes imparables et à la dégaine négligée qui apprécie depuis près de 20 ans troubler l’humeur des fans et auditeurs avec une musique qui puise, à l’envi, dans une généreuse palette.

Que l’on évoque le punk (jusque dans l’attitude scénique) ou le rock psychédélique et garage, sans oublier la pop en mode fleurs dans les cheveux et bâtonnets d’encens.

Pour faire simple, le groupe a trouvé, depuis quelque temps, une définition qui lui est propre, le «flower punk» – une sucrerie, avouons-le, au vu des chemins de traverse que prennent régulièrement ces fauteurs de troubles. Rappelons-nous ainsi leur dernière livraison, le foutraque – et réussi – Satan’s Graffiti or God’s Art? (2017), produit par Sean Lennon et à l’approche toujours conceptuelle, à l’instar du titre porteur, Crystal Night, sorte de ballade de Noël pour allumés. Car oui, les Black Lips savent être mélodiques. C’est d’ailleurs la seule régularité qu’on leur connaisse.

Durant ces dernières années, le groupe n’avait caché à personne son envie de renouer avec ses racines, à sa manière bien sûr. Tournons-nous donc du côté d’Atlanta, mieux, de la Géorgie, terre de nombreux disques de country dans les années 1920, comme ceux de Jimmy Rogers, avant que Nashville ne prenne la relève dans les années 1960. «Notre son irait vraiment bien avec celui des musiques américaines plus traditionnelles», lâchait subrepticement le batteur Oakley Munson, vite relayé par son camarade bassiste, Jared Swilley : «La country, c’est dans notre sang. C’est un genre qui vient du sud des États-Unis, d’où l’on vient… Pour nous, c’est presque naturel !»

Neuvième album du groupe

album semaineLoin de se fourvoyer, le groupe a déjà abordé le genre dans ses disques, comme en témoignent notamment les les titres Make It (2012) et Sweet Kin (2013), mais jamais de manière aussi frontale. Ici, il convient donc de chausser ses plus belles santiags et de partir au galop pour aborder douze titres faisant la part belle à la guitare et aux grands espaces. Sing… in a World That’s Falling Apart, neuvième album du groupe, pourrait être vu comme un hymne au retour à la terre s’il ne portait pas en lui toute l’ironie, le cynisme et le sens du décalage que le groupe porte comme un colt à la ceinture, prêt à dégainer.
Bien sûr, évitant de tomber dans l’«Americana» à papa avec ses élans romantico-pompeux, régulièrement en tête des charts de l’autre côté de l’Atlantique, les Black Lips, dans leur permanente réinvention, savent jouer à l’anguille et s’amuser d’un style. Surtout quand il le permet : «Au début des années 60, c’était une forme de musique innovante qui utilisait des guitares fuzz et des « talk-boxes » (NDLR : boîtes à effets) avant tout les autres styles en utilisant des effets spéciaux et des réverbérations», souligne avec justesse le guitariste Cole Alexander.

Ainsi, sur ce disque, derrière une patine mièvre de premier abord grondent les cœurs et les corps d’une bande qui se définit toujours comme «sinistre» et «dangereuse» – il suffit d’ailleurs de voir ses derniers concerts pour s’en convaincre. Et puis, l’Histoire de la musique va dans son sens : The Velvet Underground avait son Lonesome Cowboy Bill, les Rolling Stones leur Dear Doctor et Bob Dylan, You Ain’t Goin’ Nowhere. Au tour, donc, des Black Lips de viser leurs larges chapeaux sur la tête et de partir à la conquête de leur public, à grands coups d’éperons et de rasades de whisky. Yihaa!

Grégory Cimatti