Cette semaine, avec la chaleur ambiante, on se rafraîchit avec Whispering Sons et Several Others, sorti le 18 juin sur le label PIAS.
Alors que beaucoup espèrent un été radieux et décomplexé, histoire de profiter pleinement des concerts en plein air et d’imaginer des lendemains plus chantants, une vague de froid arrive aujourd’hui de Flandre. Glaçant les cœurs et les ardeurs renaissantes. Rappelant également, en creux, que rien n’est encore gagné et que la déprime guette. L’œuvre de Whispering Sons qui affiche d’emblée ses préférences en terme de météorologie, avec un second album qui s’écoute de préférence sous la pluie et dans une fraîcheur tout automnale.
Ceux qui n’ont pas pensé à prendre une petite laine sont sûrement passés à côté du phénomène en 2018. Bien sûr, ce n’est pas le cas de la Belgique, terre rock qui s’est jetée sur le quintette local et l’a célébré sur les ondes. La raison ? Un premier disque, Image, reçu comme un coup de couteau en plein estomac, d’une lame glacée et aiguisée. Un pays qui, au fait de l’Histoire musicale, a vite fait le rapprochement avec d’autres (illustres) prédécesseurs anglo-saxons, à la veine mélancolique, voire dépressive : Joy Division, Bauhaus, The Cure, Joy Division, Siouxsie and the Banshees, Sisters of Mercy, And Also The Trees…
D’ailleurs, pour marquer le coup de cette belle entrée en matière, cinq titres, réunis dans une «live session», suivront, confirmant les penchants nostalgiques de la bande. La vidéo du concert la place en effet dans une esthétique très années 80, avec tout l’attirail qui va avec : synthétiseurs envoûtants, guitares stridentes et batterie métronomique, froide comme la pierre. Dans une ambiance irréelle, où une menace gronde à chaque instant, surgit la voix spectrale de Fenne Kuppens, androgyne perdue entre spleen et colère sourde qui, comme Ian Curtis à l’époque, semble être envoûtée. Que dire alors de son timbre, sombre et grave, qui la rapproche d’un Nick Cave période Birthday Party. La presse néerlandaise y a même vu la «sœur glaçante de Beth Gibbons», chanteuse charismatique de Portishead. C’est dire !
À sa manière, Several Others enfonce le clou. Oui, alors qu’Image – tout comme le premier EP du groupe, Endless Party (2015) – jouait avec certains artifices, notamment une importante réverbération derrière laquelle il semblait vouloir se cacher, ici, tout est plus puissant, direct, frontal, urgent. En un mot, intense. Une orientation qui tient surtout à une plus grande maitrise sonore, qui pourrait se résumer ainsi : en arrière plan, des tons qui donnent la cadence d’une danse macabre. Dessus, des synthétiseurs et des guitares qui alternent les humeurs, parfois d’une élégance mélancolique, parfois d’une énergie hypnotique.
En opposition à la génération Spotify d’aujourd’hui, où, c’est acquis, les 30 premières secondes d’une chanson sont les plus importantes, Whispering Sons lui, n’est pas pressé. Il aime faire monter progressivement la tension, prend son temps pour faire trembler les murs, pose tranquillement les bases d’une musique qu’il veut habitée, hantée même. De l’angoisse, un brin de folie et de désolation qui s’exposent désormais dans une palette plus riche, flirtant avec les styles : post-punk racé, new wave aux accents gothiques, rock aux pulsations électroniques…
Moins théâtral, plus rentre-dedans, Several Others conserve néanmoins une tendance : la présence magnétique de Fenne Kuppens, si particulière et si envoûtante, qui continue de forger l’identité de l’équipage. Celui-ci, dans son sillage, s’affirme. Whispering Sons ne chuchote plus ses traumatismes, ses aliénations : il les scande ! Avançant sur une corde tendue au-dessus d’un abîme, il n’a désormais plus peur de tomber.
Grégory Cimatti