Cette semaine, Le Quotidien a choisi d’écouter le dernier album de Melody’s Echo Chamber , Unclouded, sorti le 5 décembre sur le label Fat Possum Records.
Qu’est-ce que la dream pop? Derrière les explications fourre-tout qui placent dans le même panier des guitares bruyantes fédérées façon «mur du son» et des mélodies si délicates qu’elles pourraient disparaître d’un seul souffle, la Française Melody Prochet, qui officie sous le nom de Melody’s Echo Chamber depuis plus de dix ans, livre sa propre définition avec ce nouveau disque où plane, de bout en bout, sa voix habitée d’échos lointains, diaphane jusqu’à en être irréelle. Haut perchée et vaporeuse, elle semble justement comme émerger d’un rêve, ce moment de flottement où l’on ne distingue plus ce qui est vrai de l’imaginaire. D’autres diront des cieux ou d’un autre monde. Angélique, divine.
Rien d’étonnant donc que cet album se nomme Unclouded («Sans nuages») et qu’il se réfère à Hayao Miyazaki. Il n’est toutefois pas question de ses univers fantasmagoriques, mais d’une philosophie : celle de voir le bon et le mauvais côté de la vie avec un regard clair, «sans être obscurci par la haine». Une clairvoyance qui va jusqu’à s’entendre sur une production plus précise et maîtrisée. Ça n’a pas souvent été le cas, selon une discographie qui, dès 2012, la place comme l’une des tendances psychédéliques pop de l’Hexagone. Trois disques (Melody’s Echo Chamber, Bon Voyage, Emotional Eternal) et un quatrième compilant des morceaux «oubliés» (Unfold) témoignent de cette orientation.
La vie peut voir qui vous êtes / Elle vous mènera là où vous devez être
Oui, chez Melody Prochet, il y a un peu de Tame Impala. Logique : elle a été la compagne de Kevin Parker juste avant que celui-ci ne connaisse le succès avec Lonerism et se perde ensuite dans des dédales électroniques. Toujours bien accompagnée, ce coup-ci, la chanteuse et compositrice a constitué une sacrée équipe autour d’elle : d’abord le maestro suédois Sven Wunder (collaborateur de Danny Brown et figure estimée pour ses travaux mêlant jazz et textures cinématographiques) et le batteur britannique Malcolm Catto (DJ Shadow, Madlib) − un duo branché hip-hop qui apporte plus de groove à ses chansons. Et ensuite, toute une bande de chevronnés, dont Josefin Runsteen, maître des cordes. Sur le tout dernier morceau, Daisy, on trouve même Leon Michels, architecte du génial collectif El Michels Affair.
En conséquence, Unclouded n’a plus la même patine expérimentale que ses prédécesseurs, ni les même hésitations, sans pour autant trahir la légèreté qui colle depuis toujours à la peau de sa créatrice. C’est un disque qui avance droit avec cette voix lumineuse comme phare éclairant douze morceaux élégants. Dessus, des violons, de la harpe et des guitares qui brillent de mille feux, soutenus par une rythmique certes répétitive mais diablement efficace. Ajoutez à cela des mélodies aguicheuses et vous obtenez un disque plus proche de la soul, avec quelques clins d’œil aux années 1990. Si, et c’est bien le seul reproche, aucune chanson ne se distingue vraiment du lot, le voyage ne perd pas pour autant en saveur.
C’est que Melody Prochet, à travers cette mue lumineuse, défend un état d’esprit : profiter de l’instant présent en troquant la sinistrose pour un plein de soleil. «J’ai toujours des hauts et des bas, mais je trouve vite des sentiments plus harmonieux, savourant la beauté des choses éphémères», précise-t-elle dans un mélange d’optimisme et de karma. «La vie peut voir qui vous êtes / Elle vous mènera là où vous devez être», médite-t-elle ainsi dans le bien nommé How to Leave Misery Behind. Un peu de douceur dans un monde de brutes ne se refuse pas.
«10 ans révolus» (Compilation – electro) C’est le vétéran de la scène électronique française : depuis 1995, Astropolis propose, deux fois par an à Brest, une grande bringue sous le signe de la techno, célébrant l’idée de liberté qui a présidé à sa création, façon rave party. Sur cette base et cette philosophie est même né un label en 2012 qui, comme le précise le titre de cette compilation, fête sa décennie avec un peu de retard. Qu’importe! Surtout qu’elle fait tout bien, en respectant l’ADN du rendez-vous : favoriser les rencontres, comme le prouve cette réunion de dix-huit artistes autour de dix morceaux, mêlant figures maisons, compagnons de longue date et nouvelles voix de la scène hexagonale. Même diversité dans les sons, qui sautent du downtempo de Rone à la fureur d’un Manu Le Malin. Mais gardez-en sous le pied : en 2026, le festival fête ses trente ans. «Sugar & Plastic Plates» (Tickles – rock / noise) Avec son rock foudroyant, il aurait pu venir de Belgique, mais c’est bien de Nantes (France) qu’est issu le quartette énervé de Tickles. À son CV, notamment, deux EP qui mélangent le noise, le punk et le post-hardcore, et une présence dans le catalogue du label À Tant Rêver du Roi, référence pour les amateurs de musique qui envoie avec des morceaux de mélodies dedans. Pour son premier long format, le groupe reste fidèle aux fondamentaux : neuf chansons animées par une intensité brute, avec ce qu’il faut de guitare et de batterie pour soutenir le chaos. Et s’il sait parfois lever le pied, c’est pour mieux en remettre une couche. Résultat? Un album viscéral (qui rappellent ceux récents d’It It Anita ou Marcel) et qui, comme l’affiche la pochette, célèbre les fêtes ratées. À écouter prochainement, donc, entre la dinde et le dessert. «Ghana Special – Highlife» (Compilation – world) Comme il l’écrit sur Bandcamp, sa passion pour mettre en lumière des «joyaux musicaux» oubliés reste «inébranlable». Si le label britannique Soundway Records a, en effet, sorti de belles pépites de l’ombre (comme Totally Right de Wrong Way Up cette année), il s’est construit une solide notoriété en 2009 avec sa compilation Ghana Special, traversée en 37 chansons de l’âge d’or de la musique ghanéenne (1968-1981). Sûrement trop copieuse, voilà sa version réduite d’un tiers, idéale pour se lancer à l’assaut des Ebo Taylor et consorts. Bien que réduite, cette compilation garde toutefois ce qui fait le sel de cette période et du genre : des guitares enjouées, des orgues endiablés, des cuivres puissants et des rythmes fiévreux. Bref, du costaud, dansant à souhait. Et si vous en redemandez malgré tout, il reste toujours le grand frère. 
