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[Album de la semaine] Le coming out de HMLTD


D’accord, HMLTD ne pourra pas plaire à tout le monde, mais ce n’est sûrement pas ce qu’il recherche. (Photo : © HMLTD)

Il y a des groupes qui, par leur singularité, leur talent ou le hasard du moment, font plus parler d’eux pour leur éventuel potentiel que pour des raisons, disons, plus concrètes. Ils font ainsi l’objet d’une attente fébrile et d’une surveillance de tous les instants, distillant quelques maigres preuves ici et là, à travers une production évidemment échevelée.

C’est le cas de HMLTD (pour Happy Meal Limited), formation qui, en un claquement de doigts, s’est retrouvée cataloguée «nouvelle promesse» du rock anglais. Si on peut douter de la pertinence d’un tel attribut (qui revient d’ailleurs à un rythme régulier dans les médias britanniques), pour le coup, il était difficile de passer à côté du phénomène.

Petit saut en arrière. On est en 2016. Il y a d’abord un double single (Stained / Is This What You Wanted), entêtant et brassant large, invoquant aussi bien les fantômes du glam rock des années 70 et ceux de la new wave de la décennie suivante. D’un côté, donc, le strass et l’extravagance. De l’autre, la froideur romantique et l’élégance robotique. Un cocktail détonnant qui s’observe jusque dans l’apparence des jeunes surdoués, qui semblent tout droit sortis d’un film en technicolor. On en prend alors plein les yeux et plein les oreilles, sensation confirmée en live où l’excentrique bande lâche les chevaux, dans une urgence sauvage.

Des originaux qui tapent immédiatement dans l’œil de la grosse major qu’est Sony, qui, sûrement trop usé d’attendre, les lâchera un peu plus tard. Une autre raison invoquée est que HMLTD ne se fait pas que des amis sur les réseaux sociaux et que, comme toute bonne tête à claques qui se respecte, il s’en fout royalement. En effet, bien qu’appréciant l’imagerie «queer», LGBT, et plus généralement le détournement des codes de la masculinité, il refuse toutefois d’en être un quelconque porte-parole. Le groupe l’a d’ailleurs souvent affirmé dans la presse outre-Manche, ce qui n’est pas de bon goût en ces temps hypocrites.

HMLTD brasse les styles comme on passe une purée au mixeur

Bref, autant dire que ce premier album – après un EP au nom engageant, Hate Music Last Time Delete (2018), contenant une reprise de Soft Cell – ramène un peu d’authenticité dans une histoire déjà ancienne, émaillée de zones d’ombre. Sous cette lumière nouvelle, HMLTD ne remet toutefois rien en cause et se montre là où tout le monde l’attend : dans la surenchère, le trop-plein, le tous azimuts, brassant les styles comme on passe une purée au mixeur. Une recette pas forcément élaborée, mais qui affirme toute la sincérité et l’honnêteté d’un groupe qui compte, c’est une évidence, ne rien faire comme les autres.

C’est vrai, aborder ce West of Eden demande un minimum d’attention, sous peine de se perdre très rapidement entre les couches. Ici, on saute en effet allègrement du gothisme mystique à la country, en passant par de l’électronique mal dégrossie, des odes synthétiques, du lyrisme enlevé, jusqu’à la ballade kitsch et d’autres ovnis encore plus déstabilisants – notamment Why, morceau glaçant utilisant le japonais et un langage inventé accompagné d’un clip animé futuriste. Mais, et c’est une gageure, ces quinze titres mis bout à bout tiennent miraculeusement debout. Un mariage (d)étonnant qui trouve son homogénéité à travers des productions décomplexées, des refrains délirants et la voix puissante du chanteur-leader Henry Spychalski.

Luxuriant et abrasif

Mais il y a mieux encore : alors que son pays vient de se lancer à tâtons dans le Brexit, HMLTD – composé, rappelons-le, de Français, de Grecs et d’Anglais – apporte sa pierre à l’édifice branlant et au futur incertain, d’abord à travers la prétentieuse biographie qui accompagne l’album – invoquant pêle-mêle l’Ancien Testament, Nietzsche, le Livre de la Genèse, le djihad ou encore le mythe de Romulus et Rémus –, ensuite, et surtout, avec des prises de position dans l’air du temps, que ce soit la masculinité toxique, le dérèglement climatique, la décadence du capitalisme, la violence de la répression… D’accord, HMLTD ne pourra pas plaire à tout le monde, mais ce n’est sûrement pas ce qu’il recherche. À la fois luxuriant et abrasif, le groupe montre surtout que l’on peut être libre dans un univers sclérosé. En avant, donc, les paillettes et le glamour. Flamboyons !

Grégory Cimatti

West of Eden, de HMLTD.