Mais où Knxwledge s’arrêtera-t-il ? Avec ces quatre nouvelles réalisations, le producteur basé à Los Angeles arrive à dix projets sortis cette année ! Une façon de faire taire les mauvaises langues qui pensaient qu’il se calmerait après la sortie de l’excellent 1988, son second album pour le label historique Stones Throw Records.
La crise du coronavirus et le confinement n’ont manifestement pas eu, non plus, une grande incidence sur son rythme de travail, tant le producteur est la définition même du mot «prolifique»: Knxwledge n’a donc pas fini de sortir, à un rythme toujours plus soutenu (et toujours exclusivement sur sa page Bandcamp), des projets plus ou moins longs, plus ou moins complets, pour une carrière solo envisagée comme un «work in progress» constant et qui met à l’amende la large majorité du «game» en termes de qualité.
À une semaine d’intervalle, donc, sont sortis quatre EP (VGM’s.PRT_1, Musiq.PRT_2, Koko et 10,000 Proof), pour une durée totale d’environ 1 h 15 (individuellement, les durées varient de sept à près de 30 minutes). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Knxwledge régale en faisant montre de toute l’étendue de sa palette musicale, chaque projet étant défini par sa propre ambiance.
On commence avec VGM’s.PRT_1, qui inaugure une nouvelle série parmi les nombreuses que le producteur a commencées et continue d’enrichir. «VGM» étant les initiales de «video game music», il est préférable d’écouter ce petit bijou avec une manette de console dans les mains. Les morceaux qui composent VGM’s.PRT_1 raviront les joueurs et «retrogamers» en allant puiser son inspiration dans les classiques : de Tom Clancy’s Rainbow Six à Super Mario Bros. en passant par Tomb Raider ou Final Fantasy, on retrouve un peu de toutes ces références dans les compositions de Knxwledge, qui donne sa propre interprétation, décalée, de la musique de jeu vidéo. Et pour être honnête, on aimerait qu’il en compose vraiment.
À peine le premier titre de Musiq.PRT_2 a démarré que l’on comprend que le compositeur veut brouiller les pistes, amener celui qui l’écoute là où il ne pensait pas aller. Malgré le titre de l’EP, Musiq.PRT_2 n’est pas une suite du précédent, mais le second opus de sa série «Musiq Soulchild», commencée en 2019. Les mots d’ordre : l’amour, la sensualité, le désir et la tendresse. En huit titres, Knxwledge s’aventure dans la soul et le R’nB comme s’il en avait fait toute sa vie. Ce spécialiste des samples y trouve évidemment son compte, puisque tous les morceaux, chantés, sont plus ou moins trafiqués pour donner cette impression. Ces huit morceaux sont peut-être bien la pièce maîtresse de ce tout, tant Knxwledge est à l’aise avec ces «vibes» aussi apaisantes que chargées de sous-entendus intimes. On notera par ailleurs que le morceau hexualsealing_, superbe reprise du célèbre morceau de Marvin Gaye, fait un clin d’œil à une autre longue série d’albums du producteur qui porte le même titre.
Avant d’attaquer les derniers titres du dernier album, Koko se pose en interlude relax (cinq morceaux, sept minutes), s’éloigne gentiment du hip-hop pour s’aventurer dans une funk cosmique et «chill» avec une dernière référence à un jeu vidéo, le classique de la Nintendo 64 GoldenEye 007. Puis dans 10,000 Proof, Knxwledge, plus rap que jamais, est accompagné sur quatre des 12 titres par le vétéran et icône de la scène rap underground de Philadelphie Vodka, qui apporte avec lui son énergie et son «flow» dur et prononcé, contrebalançant les soyeuses productions faites dans la plus pure tradition de Knxwledge. Le producteur offre même quelques magnifiques moments instrumentaux dans ce dernier album (bodies, dangerous[inst]) et confirme que sa très longue librairie de sons ne sera jamais un frein à sa créativité.
Valentin Maniglia