Accueil | Culture | [Album de la semaine] Il est venu le temps de Cathedrale !

[Album de la semaine] Il est venu le temps de Cathedrale !


Il faut faire preuve d'endurance pour suivre ces treize chansons pleines d'énergie de Cathedrale, mais rien de tel qu'un peu d'exercice en ces temps de confinement et de prise de poids (Photo : DR)

Il y a un an, sous le regard médusé du monde entier, la cathédrale de Paris partait en fumée, majestueux édifice qui a pourtant traversé les siècles de toute sa fierté et sa force. C’est dans un parallèle sûrement involontaire qu’aujourd’hui le groupe Cathedrale, lui, s’assure de nouvelles bases, s’érigeant splendidement à travers un troisième album au titre révélateur : Houses Are Built the Same (encore une question de fondation).

Du haut d’une autre tour, l’auditeur aguerri saura vite reconnaître le ton et la saveur du post-punk venu d’outre-Manche, celui de Manchester ou celui, plus loin, de Dublin. Un réflexe, disons, logique, principalement au vu du nombre d’excellents groupes qui sortent de ces terres fertiles ces derniers temps (Shame, Idles, Fontaines D.C., Total Victory…). Pourtant, c’est du côté du sud de la France et de Toulouse, la Ville rose chère à Nougaro et à Zebda, qu’il faut se tourner pour trouver l’origine de ces quatre garçons très «pop» sur eux. Leur emblème, donc, la cathédrale Saint-Étienne, lieu d’où tout serait parti. Mais vers où ? On y vient.

D’abord, il y a eu deux précédentes offrandes – Total Rift (2017) et Facing Death (2018) – qui ont posé l’assise d’un certain talent, mais celui-ci était plutôt tourné vers des envies pop, aux accents garage et lo-fi tout de même. Loin, en tout cas, de l’aspect rêche et incisif de cette nouvelle production, franchement «rentre-dedans». Oui, Cathedrale a obscurci ses guitares claires, alourdi sa basse et s’adonne désormais au chant frontal, combinaison rappelant d’autres modèles du genre, américains ceux-là (Wire, mais aussi Parquet Courts, Protomartyr…).

C’est un fait, mais il faut faire preuve d’endurance pour suivre les treize chansons pleines d’énergie de Houses Are Built the Same, mais rien de tel qu’un peu d’exercice en ces temps de confinement et de prise de poids. Présentation faite (pour ceux qui n’ont pas suivi, le groupe redonne quelques indications sur la première piste de l’album), on se lance dans un disque qui trouve son ton et son urgence dans deux fondamentaux : d’abord la scène, où Cathedrale s’est fait les dents en compagnie de groupes recommandables (Thee Oh Sees, Frustration, Rendez-vous). Ensuite, le lieu d’enregistrement.

Celui choisi ici s’éloigne des premières habitudes, louables et locales, pour s’enraciner en Angleterre (tiens donc!), du côté de Londres (Haha Sound Studio). Produit par Syd Kemp, le son des Toulousains s’y étoffe, se redresse, gagne en aplomb et désinvolture, frappe plus fort, et surtout plus juste, sans perdre la fraîche immédiateté de ses débuts. La grisaille anglaise a du bon, pourrait-on dire, tellement elle enveloppe ici le travail impeccable et sans véritable temps mort du quatuor.

C’est vrai, avouons que ce Houses Are Built the Same n’apporte rien de véritablement nouveau à la chose. Encore une fois, la «concurrence» est rude, et chacun use, à sa manière, des mêmes artifices : guitares nerveuses, voix rocailleuse (avec accent, s’il vous plaît!), chant scandé et basse-batterie montées sur ressort. Mais, et c’est aussi un point commun, chacun y met le cœur et l’énergie, dans une forme d’honnêteté sacrificielle.

Le quatuor français «so british» en fait à son tour la preuve, apportant à cette construction collective de la fraîcheur, bien qu’elle n’en manque pas. Terminons en précisant que derrière ce joyeux élan énervé, on trouve le label Howlin’ Banana, qui ne se trompe que rarement en choisissant ses compagnons de route. Et quand l’un d’entre eux se nomme Cathedrale, il y a de quoi y voir des signes vertueux.

Grégory Cimatti

Houses Are Built the Same, de Cathedrale.