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[Album de la semaine] En attendant Ana, pile dans les temps! 


En Attendant Ana privilégie désormais, sans se perdre en route, la mélodie, les harmonies et les arrangements élaborés, qu’il diffuse avec tranquillité et soin. (Photo : Trouble in Mind)

Principia (pop/rock), d’En Attendant Ana. Sorti le 24 février. Label Trouble in Mind.

Comme le suggère son nom, on a l’impression de devoir l’attendre, mais le quintette parisien est toujours là, bien présent, dans le bon tempo. Le constat ne remonte pas à hier, mais s’affirme d’année en année.

Pour mémoire, il y a eu un tout premier EP (Songs From The Cave, 2016), tendu et bricolé, suivi d’un album inégal, mais plein de promesses (Lost & Found, 2018), puis encore d’un second, mieux équilibré, mais quand même éprouvant sur la longueur (Juillet, 2020). Ce qui n’empêche pas En Attendant Ana d’être l’un des beaux trésors de l’Hexagone, tendance «pop à guitares».

Trouble in Mind, un label de Chicago sur lequel on retrouve de jolies propositions, toutes singulières (Omni, Lithics, FACS, Klaus Johann Grobe…), ne s’y est pas trompé et l’accompagne depuis ses quasi-débuts. Car ce groupe cultive lui aussi une vraie originalité, multiple même.

 

Une pop mâtinée de rock à double visage, énergique et rêveuse, flamboyante et contenue, urgente et mélancolique

Il y a d’abord cette habitude de chanter uniquement dans la langue de Shakespeare. Ensuite, il y a cette propension à changer régulièrement de line-up, sans que la formation en soit réellement affectée, bien au contraire (trois membres sont partis depuis 2017). Enfin, il y a ce réflexe d’utiliser, dans ses chansons, la trompette, instrument pas si «hype» que ça.

Autant d’arguments qui, mis bout à bout, justifient tout le talent d’En Attendant Ana, confirmé par ce troisième disque, Principia, le plus réussi et le meilleur à ce jour de la formation. Bien sûr, dessus, on retrouve ce style qui fait son charme : une cavalcade de guitares, claires et tranchantes, des cuivres sereins, sans oublier ces textes déclamés dans des échos entêtants.

En somme, une pop mâtinée de rock à double visage, énergique et rêveuse, flamboyante et contenue, urgente et mélancolique. Un mélange en clair-obscur qui, sur la longueur, peut toutefois s’avérer redondant.

Pour cette production, il fallait donc resserrer les intentions, leur donner plus de poids, plus de consistance. C’est chose faite grâce à une bonne idée : intégrer l’ancien ingénieur du son (Vincent Hivert tient désormais la basse) dans les compositions qui, pour le coup, respirent beaucoup mieux.

Tout est à sa place, moins confus qu’avant, comme le précise la chanteuse et touche-à-tout Margaux Bouchaudon sur Bandcamp : «On s’est concentrés sur la place accordée à chaque instrument, en faisant bien attention de ne pas jouer tous en même temps!» Le résultat? Un album «plus léger», où chaque musicien tient un rôle «spécifique».

Une approche qui se ressent clairement : moins sauvage et «lo-fi» qu’à ses débuts, En Attendant Ana privilégie désormais, sans se perdre en route, la mélodie, les harmonies et les arrangements élaborés, qu’il diffuse avec tranquillité et soin.

Témoin de cette croissance tout en maîtrise, le magnifique Wonder, tube qui prend son temps (le seul qui approche les six minutes) pour faire des étincelles avec ses guitares abrasives et son rythme de métronome. Les neuf autres chansons tiennent la comparaison, racées et triomphantes.

Si les textes abordent, il est vrai avec espoir, les préoccupations modernes face à la confusion d’un monde qui part en sucette (la société de consommation, le capitalisme, l’identité…), c’est dans sa forme même que la formation démontre qu’elle est bien ancrée dans son époque, surtout à travers l’importance qu’ont prise ses deux figures féminines : Margaux Bouchaudon, voix magnétique et compositrice inspirée, et Camille Fréchou, multi-instrumentiste à l’origine des cuivres. Rien d’étonnant, au passage, de les retrouver toutes les deux chez Eggs, autre groupe français «indie» qui a le vent en poupe.

Mais vu son entrain affiché dans le clip tout en sueur de la chanson-titre Principia, En Attentant Ana compte bien faire la course en tête. Ça sera à lui, désormais, d’attendre les autres.