À occasion exceptionnelle, album exceptionnel : aujourd’hui, donc, le choix s’est porté sur pas moins de cinq albums, tous sortis non pas ces jours-ci, mais… en 2013!
Mais alors que le festival du Film italien de Villerupt bat son plein, voyons-y l’éventualité rêvée de revenir sur une quintuple sortie lointaine et discrète qui compile, au total, 127 titres tirés de la foisonnante production du plus américain des genres italiens : le western. À l’aube des années 1970, il est presque complètement mort et enterré de l’autre côté de l’Atlantique, et commence doucement son déclin entre l’Italie – où les films sont produits – et l’Espagne – où ils sont tournés. Et malgré un public qui se détourne assez vite du genre, qui n’a plus grand-chose à raconter – et qui ne s’exporte plus –, quelques réalisateurs tenaces feront perdurer le western spaghetti jusqu’à la fin de la décennie.
Avec Giù la testa (1971), Sergio Leone montre au public que le western, c’est fini. Les archétypes du genre sont renversés dans une histoire qui tend plus vers la comédie et le film de guerre; après le monumental C’era una volta il West (1968), le père du western italien est sans équivoque : tout ce qui peut arriver ensuite au genre ne peut qu’être de la parodie. Un avis partagé par Ennio Morricone, qui ne retournera plus au western qu’à de très rares occasions, pour offrir des variations plus légères sur les immenses thèmes qu’il a composés pour les épopées désertiques de Leone.
Cinq compilations et 127 titres qui mettent en lumière des compositeurs certes moins (re)connus qu’Ennio Morricone, mais pas moins importants
Mais c’est peu dire qu’Ennio Morricone est l’arbre qui cache la forêt. Le «Maestro», tout prolifique qu’il fut, n’a signé les partitions que d’une poignée de films sur les près de cinq cents qui furent produits à Rome entre 1963 – précédant d’un an l’œuvre matricielle de Leone, Per un pugno di dollari – et les toutes premières années 1980. Avec autant de films, plus ou moins soignés et dotés de budget, il est évident que l’on y trouve à boire et à manger. Les cinq compilations The Ecstasy of Gold accomplissent ainsi le travail de longue haleine de réunir plus d’une centaine de films – presque jamais deux fois le même, précisons-le – et de mettre en lumière les noms de compositeurs moins (re)connus que celui du génie aux épaisses lunettes, mais pas forcément moins importants.
On sait, par exemple, que Bruno Nicolai fut le chef d’orchestre attitré d’Ennio Morricone jusqu’en 1974 (et parfois son co-compositeur), moins qu’il a écrit et dirigé seul plusieurs dizaines de musiques de westerns, «Morriconiennes», comme celle de Una nuvola di polvere… un grido di morte… arriva Sartana (Giuliano Carmineo, 1970), ou «Morriconesques», à l’image du thème folk de Arizona si scatenò… e li fece fuori tutti (Sergio Martino, 1970). On aimera tout particulièrement la présence, de Luis Bacalov, l’autre grand compositeur de westerns de l’époque, avec, toujours, des modulations autour de Morricone, dans Il grande duello (Giancarlo Santi, 1972) ou L’oro dei Bravados (Don Reynolds, 1972).
Cent vingt-sept mercis ne suffiront jamais assez pour rendre grâce au label américain Semi-Automatic Records – qui, malgré son ambition admirable, n’aura vécu que de manière éphémère –, pour faire découvrir les compositions plus obscures de grands noms de la musique du cinéma italien. Alessandro Alessandroni, qui deviendra un pionnier de la musique électronique expérimentale, aura vu la musique de western comme un moyen de commencer ses expériences; le méconnu mais gigantesque Stelvio Cipriani infuse déjà le jazz et la funk – qui caractériseront, plus tard, ses bandes originales de polars – dans le monde des cow-boys; le trio Bixio-Frizzi-Tempera, avant de s’illustrer dans le cinéma d’horreur de Lucio Fulci, se fait la main dans le western… Et la plus belle découverte est une femme, Nora Orlandi, qui écrit les paroles et compose le thème chanté de Johnny Yuma (Romolo Guerrieri, 1966), entre blues et musique légère. Tout cela et plus encore, dans une inépuisable malle à trésors en cinq disques.
Valentin Maniglia
Artistes divers
The Ecstasy of Gold (vol. 1 à 5)
Label Semi-Automatic Records
Genre musique de film