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[Album de la semaine] «Can’t Rush Greatness» : Central Cee au summum


Retrouvez la critique musicale de la semaine.

Sagesse, autolâtrie ou conscience de soi audacieuse? Il y a un peu de tout cela chez Central Cee quand, en guise de premières paroles sur son premier album, il assure qu’il n’a «pas besoin de présentation». Celui qui s’est frayé un chemin dès le milieu des années 2010 dans le monde encore méconnu (mais déjà bien riche) du hip-hop britannique, en multipliant les freestyles, singles, mixtapes et EP, se cherchait encore du côté du rap autotuné avant de céder aux sirènes de la drill prédominante dans le paysage «UK rap». Jusqu’à la déflagration Doja (2022), une seule petite chanson construite sur le sample accéléré du riff de guitare de Let Me Blow Ya Mind d’Eve, qui s’est immédiatement imposé comme le morceau de rap britannique le plus streamé de l’histoire.

Impressionnant? Central Cee réitère la performance l’année suivante, en mieux, avec Sprinter (extrait d’un EP collaboratif avec Dave, Split Decision) – et, en plus de cela, bat le record de longévité en tête des charts (dix semaines) pour un titre de rap anglais. Difficile de ne pas voir l’évidence : «Cench» n’avait pas encore sorti d’album, une étape cruciale pour un jeune rappeur, qu’il était déjà au sommet des classements, et de son art.

Rien à redire sur la technique du rappeur, pour qui tout a l’air trop facile

Le titre de ce disque sonne aussi comme un credo : la grandeur et le mérite sont des choses qui ne peuvent être précipitées. Chaque chose en son temps. Primo, assurer sa position sur la carte du rap : la phrase «Nobody else from London’s gone Hollywood» («Personne d’autre à Londres n’a atteint Hollywood»), sur le titre éponyme de l’album, dresse un constat réel. On pense à cet épisode de la série Atlanta où les personnages, de passage à Londres, sont incapables de citer un seul rappeur anglais, à l’exception de l’«expat» 21 Savage, et on constate à quel point «Cench» (dont la chanson Tension servait de générique à ce même épisode) a redessiné le paysage.

Secundo, maintenir son momentum. Pour ça aussi, Central Cee ne s’en fait pas trop, prédisant déjà, sur Top Freestyle, que son album n’aura aucune difficulté à être numéro un – et en effet, avec près de 20 millions d’écoutes le jour de sa sortie, Can’t Rush Greatness inscrit un record de plus au palmarès de l’artiste. Avant d’ajouter : «Ce n’est pas comme si le niveau était haut de nos jours». Une remarque qui détonne par sa franchise, puis qui trouve un écho vers la fin de l’album (Must Be), quand «Cench» déclare : «Si je ne suis pas tout en haut du rap UK, alors ce doit être Dave», son complice aux textes plus ouvertement engagés, auréolé en 2019 du prestigieux Mercury Prize pour son premier album, Psychodrama.

Si, le long de sa cinquantaine de minutes (soit 17 morceaux), Central Cee déroule son flow syncopé de manière uniforme, sinon quelque peu répétitive – à l’instar des percussions frénétiques de la drill et de la trap qui se succèdent, inlassables, même lorsqu’elles font le lien avec la pop latine ou sont ralenties et enrobées de samples plus ou moins identifiables, dont Ne-Yo et le Wu-Tang Clan –, c’est finalement l’effet recherché. Régulièrement, il revient à ses punchlines les plus fameuses et, pour l’essentiel du disque, observe la façon dont le succès a transformé sa vie. Un grand classique.

Il n’y a rien à redire sur la technique du rappeur, pour qui tout a l’air trop facile, et qui distille l’air de rien quelques vraies pépites – les morceaux Gata ou CRG, ou encore GBP, comme une suite à son immanquable L.A. Leakers Freestyle de 2022, qui s’amuse des différences entre le Royaume-Uni et les «States», cette fois avec la participation de 21 Savage. Si c’est du fond et de l’émotion que l’on recherche, il faudra attendre Don’t Know Anymore, le tout dernier titre de cet album qui vise plutôt la démonstration de force. Mais qui laisse augurer que la suite de l’histoire pourrait bien nous surprendre.