Après un premier album qui a remporté tous les suffrages, Barry Can’t Swim aurait pu se noyer. Mais son second disque, Loner, sorte de tapisserie émotionnelle, lui permet de garder la tête hors de l’eau.
Qui est donc ce drôle de poisson qui, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, est devenu une star de l’électronique mondiale ? C’est vrai qu’on en sait peu sur lui, à peine un lieu de naissance (Édimbourg, Écosse), un nom (Joshua Mainnie) et que, d’un point de vue musical, il a débuté avec le piano. Finalement, pour mieux saisir sa personnalité, son état d’esprit, il faut se rendre sur son site et regarder la vidéo intitulée «Living Room Session».
Au cœur d’un spacieux salon, le garçon, que l’on estime âgé entre la vingtaine et la trentaine, saute d’un instrument à un autre, joue de la batterie, gratte la guitare et enchaîne les synthétiseurs. Une tasse de thé à la main, comme n’importe quel Britannique, il semble satisfait de son effet, en en même temps terriblement seul. Ça tombe bien : son second disque s’appelle Loner (soit «solitaire»), et il n’a rien de plombant. On est rassuré : vu son pseudonyme, on craignait qu’il ne se jette dans la piscine attenant à son jardin…
Du statut d’espoir à celui d’artiste confirmé
Avant la démonstration de style et de figurer à l’affiche de tous les grands festivals (Coachella, Glastonbury, Werchter…), Barry Can’t Swim n’était que du menu fretin, bon élève occupé à mener une vie tranquille sur son île, entre l’université et le conservatoire. Mais les sirènes de la nuit vont l’appeler, et les clubs l’inspirer. À partir de là, il multiplie les sons, les dévoile sur Soundcloud, sort dans la foulée deux EPs (Amor Fati et More Content) et s’engage auprès du prestigieux label Ninja Tune.
Résultat ? Un premier disque, When Will we Land? (2023), qui remporte tous les suffrages auprès des critiques comme du public, au point d’être nommé pour le Mercury Prize. Un album qui, derrière sa naïveté et sa spontanéité juvénile, cache des superpositions sophistiquées faites de house, de jazz et d’afrobeat. Subitement porté aux nues, passant du statut d’espoir à celui d’artiste confirmé, le DJ-producteur aurait pu se noyer. Loner sera finalement sa bouée.
Fun, fun, fun, fun
Pour mieux saisir son intention, laissons-lui alors la parole. «Si mon premier album était un collage de toute la musique que j’aimais et qui m’inspirait en grandissant, celui-ci est l’expression la plus authentique que je puisse donner de moi-même et de ma vie au cours de l’année écoulée», écrit-il sur Bandcamp. Ainsi, plus qu’un puzzle assemblé façon «best of», Loner est à voir comme une sorte de tapisserie émotionnelle, racontant en creux les hauts et les bas provoqués par sa croissance accélérée.
Les moments d’euphorie, ceux de doute, l’excès de confiance, l’impression d’être un imposteur… Bref, tout ce qu’implique sa nouvelle situation, pour des réflexions à la fois intimes et universelles. Traduites en musique, celles-ci ne choisissent pas leurs humeurs, tantôt mélancoliques comme Jamie xx, tantôt obscures comme Fred Again, voire encore explosives à la manière de Disclosure. Le tout dans une variété de styles qui force le respect.
«Elle sonne comme la bande-son de l’été»
C’est The Times, par la voix de son spécialiste Will Hodgkinson, qui a trouvé la meilleure formule : «Il y a quelque chose de si direct dans cette musique, de si entraînant et, pour le dire simplement, de si dansant, qu’elle sonne comme la bande-son de l’été». C’est un fait mais qu’il s’amuse avec le disco, la soul ou la techno, qu’il tresse des sons taillés pour les clubs ou d’autres plus subtils, qu’il s’éclate avec des breaks vintage des années 1990 ou se perde sous des vagues de synthétiseurs, Barry Can’t Swim garde la cadence et arrive à rendre le tout homogène.
Car pour lui, le groove est roi, et la piste de danse le royaume des possibles, où l’on se remue et l’on transpire jusqu’à l’extinction des feux. Et même si Loner se termine avec deux morceaux décontractés, signe que les lumières se sont rallumées, on retiendra surtout son message, tenant en un mot, répété sur Machine Noise for a Quiet Daydream : «Fun, fun, fun, fun». C’est court, mais tout est là.
Barry Can’t Swim, Loner. Sorti le 11 juillet. Label Ninja Tune. Genre electro