Cette semaine, An Evening with Silk Sonic, avec Bruno Mars et Anderson .Paak, sorti le 12 novembre sur le Label Atlantic / Aftermath.
Leur nom même est une douceur à l’oreille. D’un côté, ils sont «Silk», la soie, la facette soul et R’nB de leur musique, autant inspirée par la Motown (label des Jackson 5, The Temptations, Stevie Wonder ou Marvin Gaye) que par la soul de Philadelphie (The Delfonics, Billy Paul, The O’Jays, Harold Melvin and the Blue Notes…). De l’autre, ils sont «Sonic», un terme qui cristallise toute leur énergie, héritée en premier lieu du funk, dont ils se revendiquent aussi, mais également de la pop et du rap, deux genres qui leur sont plus proches.
Tout a commencé comme une blague quand, en 2017, Bruno Mars fit appel à Anderson .Paak pour assurer la première partie de sa tournée européenne. La cohabitation entre la star de la pop et l’étoile montante du rap s’est rapidement transformée en amitié, au point qu’une semaine seulement après leur rencontre, ils se livrent à quelques «jam sessions» dans les prestigieux studios d’Abbey Road, à Londres. Leurs expérimentations prennent la forme d’un jeu de ping-pong musical, autour de compositions qui pastichent la soul et le rhythm and blues, avec l’immense talent d’Anderson .Paak à la batterie et les facilités de Bruno Mars à la guitare. Pour les paroles, largement improvisées, c’est à celui qui fera le plus rire l’autre.
Quatre ans plus tard, la promesse d’un éventuel album commun devient sérieuse : retour en studio pour les deux musiciens, qui déterrent Smokin’ Out the Window – leur tout premier enregistrement –, qu’ils retravaillent et façonnent en petite pépite R’nB, et sortent l’adorable ballade soul Leave the Door Open. Équipés des mêmes instruments que ceux utilisés, cinquante ans plus tôt, par leurs modèles, Bruno Mars et Anderson .Paak enregistrent un album qui veut célébrer la musique qui les a inspirés. Les kits de batterie, en particulier, font l’objet d’une attention bien spéciale de la part d’Anderson .Paak, dont le jeu de baguettes se pose comme l’épine dorsale du projet. Avec ces deux-là, on n’est pas surpris : le «groove» passe avant tout le reste. Une posture qui leur vaut le soutien de Bootsy Collins, légendaire bassiste de Funkadelic qui, en bon père spirituel, leur a trouvé un nom.
Cependant, l’album est loin d’être un simple hommage à leurs ancêtres musicaux, encore moins une tentative de se mesurer à eux. On y entrevoit plus volontiers un retour aux sources de la part de deux musiciens formés aux «vrais» instruments et à la scène, qui se sont lancé le défi de retrouver l’authenticité du son et de limiter au maximum l’intrusion des machines. De même, les huit chansons de l’album suivent le schéma de base de la musique pop, avec un retour en force du pont, pièce essentielle de la structure d’un tube, pourtant ignorée ou abandonnée par la majorité des artistes ces dernières années.
Du fun, du funk et un sens aigu de la perfection
À aucun moment, Bruno Mars et Anderson .Paak ne prétendent réinventer quoi que ce soit. Leur objectif est simple : du fun, du funk et un sens aigu de la perfection. Tout tombe au bon endroit, au bon moment. Voir surtout dans leur «R’nB champagne» (pour reprendre l’expression «champagne soul» qui caractérisait, à la fin des années 1960, les groupes qui mélangeaient soul, jazz et pop) leurs influences revient à nier que Silk Sonic porte avant tout la patte des deux artistes, évidente sur 777, un titre enflammé que Bruno Mars aurait pu porter en solo, ou Fly As Me, autre morceau majeur de l’album qui voit Anderson .Paak rapper sur une ligne de basse ultraefficace. L’équilibre est parfaitement trouvé entre les ambiances douces et parfois lascives de la soul (superbe After Last Night) et les nombreuses possibilités des titres plus dansants, qu’ils poussent même vers le disco (Skate).
Après une ou dix écoutes, An Evening with Silk Sonic ne perd jamais de sa fraîcheur. Et pour cause : l’album a été intégralement pensé pour le live, dans une période où la pandémie et l’annulation des concerts ont exercé une grande frustration sur les deux artistes. La simplicité des morceaux et la durée relativement courte de l’album (tout juste trente minutes) ont de quoi attiser la curiosité et l’envie de voir ces morceaux de trois minutes étirés sur dix, dans un vrai show. Au vu de l’énergie déployée et de celle que Silk Sonic a encore à revendre, on n’est peut-être pas loin de la vérité.
Valentin Maniglia
«An Evening with Silk Sonic» est à écouter en intégralité ici.