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[Album de la semaine] «2000», de Joey Badass, aux origines du nouveau rap new-yorkais


Joey Badass

2000

Sorti le 22 juillet

Label Pro Era / Cinematic

Genre rap

New York City, temple du melting-pot culturel à l’américaine et berceau du rap «East Coast». Notorious B.I.G., le Wu-Tang Clan, Diddy, Nas et Jay-Z ont été autant de modèles pour Joey Badass, né à Brooklyn dans le quartier de Flatbush – comme Busta Rhymes et ses futurs copains des Flatbush Zombies – avant que ses parents ne déménagent un peu plus au nord, dans l’encore plus emblématique quartier de Bedford-Stuyvesant, celui de Jay-Z, Notorious et Black Star.

Aujourd’hui âgé de 27 ans, le rappeur surdoué et farouchement indépendant – au début de sa carrière, il aurait même refusé de signer sur le label de Jay-Z – a beau avoir écumé les États-Unis, collaborant avec les piliers contemporains du rap «West Coast» Kendrick Lamar et Schoolboy Q, tout comme ceux du «Dirty South» Big K.R.I.T. et Denzel Curry, il reste profondément lié à la «ville qui ne dort jamais». Son nouvel opus, 2000, s’est fait attendre, mais Joey Badass nous gratifie d’un retour aux sources explosif et inattendu.

Le rappeur avait 17 ans lorsqu’il a sorti sa première «mixtape», 1999, devenue sans attendre un vrai phénomène dont parlait toute la scène rap de la côte Est. Comparé à un Nas, tant pour son phrasé percutant que pour son goût des instrumentaux «jazzy», cimentés dans une architecture «boom-bap», Joey Badass a rapidement évolué, devenant même une icône de la mode et un acteur de talent – il a récemment endossé le costume du rappeur Inspektah Deck dans la série Wu-Tang : An American Saga, avant d’abandonner le rôle à un autre acteur pour la saison 2 –, tout en restant, dans le fond, le plus «old school» des jeunes rappeurs new-yorkais.

Même son précédent album, All-Amerikkkan Badass (2017), qui marquait une évolution par la diversification musicale, se pose dans la grande lignée du rap conscient à la new-yorkaise, assénant des vérités pas toujours bonnes à entendre, mais importantes à dire. Une demi-décennie plus tard, avec l’ère Trump derrière nous – et une deuxième devant ? – on réécoute ce chef-d’œuvre hargneux et militant avec encore plus de plaisir.

Mais avec 2000, on revient aux sources. Le titre est une suite directe de son tout premier «skeud», les thèmes abordés y font eux aussi écho. Sur l’introduction, The Baddest, Joey Badass invite la légende Diddy et rappe : «Je peux prendre cinq ans, parce que ma merde est intemporelle.» Une prise de conscience en à peine dix mots, et tout est dit.

Pile dix ans après 1999, l’artiste se lance dans une nouvelle introspection, dans laquelle il mêle réflexions sur la tournure qu’a prise sa carrière, son rapport à la célébrité et au respect mutuel qu’il inspire à ses contemporains et observations sur l’évolution du monde…

Mais aussi des souvenirs personnels liés à sa découverte du rap et son envie de percer, notamment sur le très beau Where I Belong («J’avais genre à peine six ans quand mon cousin Richie Rich / A écrit mon premier couplet, ça, je ne l’oublierai jamais»).

La tendance générale veut que les premiers projets d’un artiste soient les plus sincères. C’était vrai de Jay-Z et de Nas, qui ont grandi dans les années 1980, en pleine épidémie de crack, une période qui a bouleversé leur monde et qui a eu une influence sur leur vie. Ça a été vrai, vingt ans plus tard, pour Joey Badass aussi, qui s’est longuement livré sur 1999.

Mais 2000 prouve sans détour que l’expérience gagnée, tout comme l’amélioration de la technique et des moyens de production, peut déclencher de nouvelles étincelles qui peuvent ramener quelqu’un loin en arrière, quand il n’était pas encore celui qu’il est aujourd’hui. C’est un album complet, où un titre «mainstream» comme le chaloupé Cruise Control, est tout aussi important que l’analytique et complexe Zipcodes. Un album qui, lui aussi, c’est certain, vieillira à merveille.

Dix ans après sa première « mixtape », Joey Badass nous gratifie d’un retour aux sources explosif et inattendu

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