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Afrique du Sud : l’exigence d’un chœur métissé de garçons


En cette fin d'année, ces garçons, âgés de 9 à 15 ans, en chemises repassées, jabots en dentelle sur gilet bleu roi, répètent le Gloria de Vivaldi dans un auditorium, avant leurs premiers concerts de Noël depuis la pandémie de Covid. (Photo AFP)

Symbole de réussite, d’ouverture et de cohésion dans un pays «laminé» par la question raciale, le chœur du Drakensberg réunit 70 jeunes garçons de différentes origines, simplement unis par leur passion pour le chant.

C’est une chorale arc-en-ciel qui se double d’un internat accueillant des garçons de tous les milieux : le chœur du Drakensberg, qui se produit dans le monde entier, se niche dans un des plus beaux paysages montagneux d’Afrique du Sud. La singularité de cet ensemble est qu’il «s’appuie sur la musique comme véhicule de mobilité sociale, de réussite scolaire, de construction de la personnalité, dans un pays qui a été laminé par la question raciale», résume le professeur Pitika Ntuli, 80 ans, historien de l’art.

En cette fin d’année, ces garçons, âgés de 9 à 15 ans, en chemises repassées, jabots en dentelle sur gilet bleu roi, répètent le Gloria de Vivaldi dans un auditorium, avant leurs premiers concerts de Noël depuis la pandémie de Covid. La vue imprenable sur la majestueuse chaîne des Drakensberg, qui marque la frontière avec le Lesotho voisin, se fond à l’horizon dans une mer de nuages. «L’école est magique, son emplacement somptueux. Chanter parmi ces montagnes tous les jours, c’est incroyable!», s’émerveille Nicholas Robinson, 14 ans, en blazer noir sur une pelouse impeccable.

Ethan Palagangwe, originaire de Mitchells Plain, une banlieue du Cap infestée de gangs, est un autre élève du pensionnat établi sur un domaine de 40 hectares. L’adolescent de 12 ans a obtenu une bourse, parmi quelque 1 600 candidats auditionnés, grâce à sa mère qui a répondu à une petite annonce dans un journal local. Fils d’un policier et d’une chanteuse, le garçon au visage rond sourit en se remémorant ses débuts modestes en famille. À l’âge de huit ans, «je chantais tout le temps, j’adorais le karaoké».

La musique est un langage qui unit!

Aujourd’hui, c’est l’un des musiciens les plus accomplis de l’école. Sa scolarité est financée conjointement par ses parents et des donateurs auprès d’un dispositif de financement participatif baptisé «back-a-buddy» («soutiens un copain»). Le répertoire est aussi une singularité : du classique à la pop, en passant par des chants traditionnels sud-africains, en afrikaans comme en zoulou. «C’est la seule au monde, de ce niveau, à chanter tous les genres», assure son chef d’orchestre, Vaughan van Zyl, essuyant son front en sueur entre deux répétitions.

«Donnez à ces garçons des chants africains d’autres pays, musique sacrée, profane… Ils peuvent tout faire!», poursuit-il. Inspiré du chœur de garçons de Vienne, l’institution, qui a chanté pour Nelson Mandela, a été créée il y a 55 ans, sous l’apartheid. Aujourd’hui, elle compte 70 chanteurs de toutes les couleurs de peau. «On y entend les voix de l’arc-en-ciel», dit le professeur Ntuli, en référence à la nation métissée, réconciliée, appelée de ses vœux par Desmond Tutu.

Un côté boys band

Lulo Dlulane, 11 ans, arrivé récemment, rêve de devenir compositeur. «La musique est un langage qui unit!», dit-il à raison. Sa mère Lungelwa, médecin mélomane de 39 ans, se souvient avoir entendu parler du chœur quand elle était lycéenne. Elle «a prié» qu’elle aurait un fils, pour pouvoir l’y envoyer. Après les chants, le chœur enchaîne avec fluidité sur un «gumboot dance», danse percussive en bottes de caoutchouc inventée en Afrique du Sud par des mineurs pour échapper à la pénibilité de leur travail. «C’est notre côté boys band !», plaisante le chef d’orchestre. «On passe d’un chant classique à cette chorégraphie» entraînante.

Khwezilomso Msimang, 15 ans, mène la danse. Sa mère Bongi, stressée à l’idée d’y envoyer son fils unique, dit aujourd’hui que «c’est un endroit où les garçons deviennent des hommes». Conjuguer les cours académiques et deux heures de musique par jour est quelque chose d’assez exigeant. «C’est ce défi qui leur apprend à devenir résistants», avance le directeur, Dave Cato. Le baryton William Berger, un Sud-Africain blanc de 43 ans passé par l’école, mène une carrière internationale à l’opéra. Ce qui distingue, selon lui, ce chœur, c’est ce «son plein, très africain», qui tranche avec le côté parfois fluet des chorales européennes.