En Afghanistan, quelques dizaines de manifestants marchent depuis un mois, malgré la chaleur et les risques, pour demander la fin du conflit ravageant leur pays.
« Je peux mourir chez moi ou en allant à mon magasin. J’ai décidé qu’il était bien mieux de mourir pour la paix., explique Sardar Mohammad Sarwari, l’un des participants, qui s’aide de béquilles pour avancer, la polio ayant affaibli ses jambes. « Il n’y a aucun endroit sûr » poursuit-il.
A l’origine du mouvement, un énième attentat à la voiture piégée qui a fait 13 morts le 23 mars à Lashkar Gah, la capitale du Helmand (Sud). Les talibans contrôlent dix des quatorze districts de cette province et les forces de sécurité afghanes sont à la peine dans les quatre restants.
« Nous voulons la paix »
Des dizaines d’habitants ont alors entamé un sit-in pour la paix. Certains se sont brièvement mis en grève de la faim. La protestation a fait tâche d’huile dans le pays. Mais ni les talibans, ni les forces de sécurité afghanes n’ont semblé entendre le message, les combats se poursuivant.
La marche anti-guerre a donc démarré en mai. Neuf personnes y participaient au départ. Ils sont désormais une cinquantaine, selon les organisateurs, d’autres les ayant rejoints en cours de route. Tous arborent un bandeau et/ou une écharpe bleus siglés : « Nous voulons la paix ». « Nous sommes fatigués de cette guerre et de ce bain de sang », peste Zaheer Ahmad Zindani, dont les deux yeux ont été crevés lorsque le bus dans lequel il voyageait a sauté sur une mine, tuant sa sœur.
L’Afghanistan est en guerre depuis son invasion par l’Union soviétique en décembre 1979. Depuis octobre 2001, le conflit oppose les forces de sécurité afghanes, soutenues par des troupes internationales, aux talibans, ainsi qu’à d’autres groupes insurgés, dont l’Etat islamique, qui s’est installé dans le pays en 2015.
« Les deux parties devraient s’asseoir pour des discussions de paix. Nous voulons une paix permanente et durable », affirme M. Zindani alors que le groupe arrive à Ghazni, capitale de la province éponyme, très disputée, où les victimes sont légion. Les marcheurs ont déjà parcouru 500 kilomètres. Il leur en reste 200 avant d’arriver à Kaboul, où ils comptent demander aux autorités un cessez-le-feu, plus long que ceux récemment annoncés par les talibans et le gouvernement – respectivement trois et huit jours à la fin du ramadan -, ainsi qu’un calendrier pour le retrait des troupes étrangères.
L’objectif est de pénétrer dans la capitale avant la fin du ramadan. Un mois saint durant lequel ils n’ont pas ménagé leurs efforts, malgré les fortes chaleurs et le jeûne. Et qu’importent les ampoules aux pieds et les nuits passées à la belle étoile ou dans des mosquées.
Toujours plus de soutien
Initialement moqués pour leur volonté de rejoindre Kaboul, les protestataires sont désormais vivement soutenus. Après le crépuscule et avant l’aube, des habitants les nourrissent. Les conducteurs ne sont pas avares de coups de klaxons pour les réconforter. Certains s’arrêtent même pour les féliciter. « Chacun de vos pas nous donne un espoir de paix », écrit Jamilurahman sur Facebook. « Que Dieu vous accorde le paradis (…). Que la paix règne dans tout le pays », renchérit Hamidullah.
Très physique, la marche est surtout extrêmement dangereuse, alors que les talibans et l’Etat islamique ne cessent de harceler les forces afghanes et les troupes de la mission de l’Otan resolute support, sous commandement américain.
Chaque jour, les manifestants risquent de sauter sur une bombe artisanale, d’être attaqués par des groupes armés ou de simples brigands. Mais ils n’en ont cure. « Chacun de nous pense qu’il sera tué bientôt », explique Abdullah Malik Hamdard. « Ceux qui restent en vie sont misérables. Si vous ne mourrez pas de la guerre, la pauvreté qu’elle génère peut vous tuer, ce qui fait que pour moi, la seule option qui me reste est de rejoindre ce convoi pour la paix », poursuit-il.
Leur voix semble avoir ému tant les forces de sécurité que les moudjahidines, qui parfois interrompent leurs batailles pour les encourager, raconte Iqbal Khaibar, l’un des leaders du groupe. L’aveugle Zaheer Ahmad Zindani, lui, tient la main d’un autre marcheur, qui le guide dans ce périple. « Tous les marcheurs ont souffert de cette guerre », soupire-t-il, ajoutant qu’en plus de sa sœur, le conflit a tué son père et son oncle. « On a tous perdu des proches », poursuit-il. « Mon seul souhait est que cette guerre et ces combats s’arrêtent. »
Le Quotidien/AFP