Neimënster et la Banannefabrik accueillent à partir de ce mardi soir l’Aerowaves Dance Festival Luxembourg. Parmi les spectacles à l’affiche, Mouth, de la Grecque Sofia Mavragani, en résidence dans le Grund. Rencontre.
Vous êtes en résidence artistique à Neimënster. Quel est votre parcours ?
Sofia Mavragani : J’ai commencé à étudier la danse assez tard par rapport à ce qui se fait habituellement dans le milieu. Ce qui fait que j’ai directement étudié la chorégraphie, pas la danse. C’était pour moi un choix clair de carrière, je voulais créer, pas nécessairement être sur scène.
Vous dites assez tard, ça veut dire quoi ?
J’avais 27 ans. La preuve qu’il n’est jamais trop tard. Même pour des danseurs, il y a plusieurs exemples de danseurs qui ont commencé assez tard, ce qui ne les a pas empêchés de faire une belle carrière.
Quel est votre style chorégraphique ?
Depuis mes études, j’ai mis mon focus sur la création d’un matériel original, d’expérimentation. J’essaye toujours de trouver, dans les positionnements de mes danseurs, de nouvelles manières d’expression.
Des chants a cappella
Au niveau corporel ?
Au niveau de la composition des éléments. Le corps en fait partie, bien évidemment; dans une chorégraphie c’est même l’ingrédient principal, mais ce n’est pas le seul. Tout ce qu’il y a autour est aussi important : la musique, le décor, les habits, etc. Ces trois dernières années, je me suis concentré sur le travail de la voix. C’est assez compliqué, d’autant que pour mes trois dernières pièces j’ai décidé de ne pas avoir de musique autre que ce qui sort de la bouche des danseurs. Des chants a cappella. Ce qui fait que les danseurs devaient danser et chanter en même temps. C’est difficile, mais c’est un vrai challenge, aussi bien pour eux que pour moi. Nous sommes d’ailleurs en ce moment en train de chercher un moyen d’expansion de cette physicalité. Enfin, lors de mon dernier show, il y avait un moment où les danseurs n’avaient pas moyen de bouger à cause du son qu’ils devaient produire. À moi de trouver la bonne balance entre les deux.
On comprend mieux le titre de votre future création, jeudi, Mouth (NDLR : bouche).
Oui, lors de ma précédente création, « Afterwords », on expérimentait principalement le mouvement des lèvres. On a remarqué que la bouche crée quelque part sa propre chorégraphie.
Quatre bouches qui dansaient
Mais c’est tout petit une bouche. Comment rendez-vous cela visible pour les spectateurs ?
Pendant les cinq premières minutes de ma dernière pièce, on utilisait une lumière noire et les danseurs avaient un rouge à lèvres fluorescent. Du coup, le public ne voyait que ça, quatre bouches qui dansaient.
Vous passez deux semaines à l’abbaye dans le cadre de cette résidence. Que travaillez-vous ici ?
Une résidence artistique permet de se concentrer sur son travail, sans avoir ses problèmes quotidiens habituels. C’est toujours un moment à part, qui permet de beaucoup expérimenter, sans stress. D’autant qu’ici c’est super calme, spacieux, on a le luxe d’avoir le studio à notre entière disposition et puis l’équipe est super accueillante. L’idée ici est de travailler sur le matériel de ma prochaine pièce. Afterwords était un quartette, là, ce sera un solo sur un matériel similaire. On travaille donc encore plus le côté vocal et physique. En y ajoutant une création sonore en direct, à travers un microphone, sur la voix d’Ioanna Paraskevopoulou, une excellente danseuse grecque.
Vous êtes déjà une chorégraphe établie. Que vous apporte la participation à Aerowaves ?
Être sélectionné à Aerowaves apporte une grande visibilité et donne une belle opportunité de travailler à l’étranger. Surtout pour nous, en Grèce, qui sommes un peu isolés au niveau de la scène chorégraphique européenne.
Quelle sera la suite alors pour vous après la présentation de Mouth, ici, jeudi ?
Ce qu’on va présenter ici sera un work in progress. Mouth sera donc une étape d’un projet plus vaste, qui a d’ailleurs reçu l’appui du ministère grec de la Culture. Ce sera quelque chose de physique, pour essayer de trouver la limite par rapport à la voix.
Comment trouvez-vous la programmation grand-ducale de cet Aerowaves ?
Je ne serai malheureusement pas là le dernier jour, mais j’ai déjà vu deux des pièces présentées. Je suis curieuse de les redécouvrir dans un contexte différent. Et puis, il y a des pièces qui viennent de l’Aerowaves précédent, j’ai hâte de découvrir cette sélection. J’espère aussi qu’on aura le temps de s’entretenir entre artistes; on verra bien!
Entretien avec Pablo Chimienti
Le programme du festival
Ce mardi soir, Banannefabrik, à partir de 19 h
Hyperspace, de James Batchelor (Australie)
Scarabeo, d’Andrea Costanzo Martini (Italie)
Jeudi, Neimënster, à partir de 19 h
Mouth, de Sofia Mavragani (Grèce)
Likes, de Núria Guiu Sagarra (Espagne)
Jean-Yves, Patrick & Corinne de Collectif ÈS (France)
Samedi, Neimënster, à partir de 19 h
Homo Furens, de Plan-K (France/Portugal)
Somiglianza, de Kor’sia (Espagne)
What does not belong to us, de SB Company – Sarah Baltzinger (Luxembourg)
Ticket : 22 euros. Pass pour les trois jours : 49 euros. www.neimenster.lu
Atelier – Stage d’initiation à la danse contemporaine
avec Sarah Baltzinger, vendredi à 18 h 30 (Banannefabrik).