Inspiration ou contrefaçon ? Jeff Koons est poursuivi lundi devant un tribunal parisien par le créateur des publicités Naf-Naf, qui accuse le plasticien américain d’avoir copié une campagne des années 1980, représentant le fameux petit cochon de la marque, secourant une femme dans la neige.
Directeur de création dans la publicité, Franck Davidovici estime qu’une oeuvre en porcelaine de 1988 de Koons, actuellement l’un des artistes vivants les plus chers au monde, est une « contrefaçon » de sa publicité « Fait d’hiver ». Il demande au tribunal de grande instance de Paris de prononcer la confiscation de cette sculpture et près de 300 000 euros de dommages et intérêts.
Le visuel « Fait d’hiver », conçu pour la marque de prêt-à-porter féminin Naf-Naf et paru dans la presse à l’automne-hiver 1985, mettait en scène une jeune femme brune aux cheveux courts, allongée dans la neige, visiblement victime d’une avalanche. Penché au-dessus d’elle, un petit cochon, un tonnelet de Saint-Bernard autour du cou, approchait son groin de sa chevelure.
« Copie servile » de la pub ?
L’oeuvre de Jeff Koons, réalisée trois ans plus tard, est « une copie servile » de la publicité, affirme l’avocat de Franck Davidovici, Me Jean Aittouares. Elle représente une jeune femme brune, cheveux courts et bouche entrouverte, allongée dans la neige dans une posture identique, les mains proches du visage et un regard vague vers le ciel, secourue par un cochon lui aussi doté d’un tonnelet de Saint-Bernard. En revanche, dans l’oeuvre de Jeff Koons la jeune femme n’est plus vêtue d’une doudoune mais d’un haut en résille laissant apparaître ses seins, le porcelet porte lui un collier de fleurs. « C’est la même oeuvre en trois dimensions, à laquelle Jeff Koons a ajouté des fleurs et deux pingouins pour évoquer le froid, ce qui vise à coller à l’oeuvre d’origine. Le discours est strictement le même », argumente l’avocat du publicitaire. « Il parachève le plagiat en donnant à son oeuvre le même titre que la publicité, +Fait d’hiver+ », ajoute Me Aittouares.
Condamné plusieurs fois pour plagiat
Présentée une première fois en 1988 dans une galerie new-yorkaise, la sculpture de Jeff Koons avait circulé dans le monde avant d’être exposée fin 2014 au Centre Pompidou, à Paris, dans le cadre d’une rétrospective consacrée à l’artiste américain. Franck Davidovici, qui venait d’en « découvrir l’existence dans un livre », juste avant cette rétrospective, avait demandé en justice la saisie de l’exemplaire exposé, vendu environ trois millions d’euros en 2007 chez Christie’s à New-York, et faisant partie de la collection Prada.
L’oeuvre avait finalement été retirée de l’exposition à la demande du prêteur. Outre l’artiste américain lui-même, l’assignation vise sa société Jeff Koons LLC, le Centre Pompidou, l’éditeur Flammarion qui a commercialisé un ouvrage reproduisant la sculpture, et la Fondation Prada. Le président du Centre Pompidou d’alors, Alain Seban, avait expliqué la démarche « d’appropriation » de l’artiste. Il avait également rappelé que la question s’était posée pour d’autres oeuvres de Jeff Koons, et notamment celles de la série ‘Banality’ dont fait partie « Fait d’hiver », « dont le principe même est de fonctionner à partir d’objets achetés dans le commerce ou d’images qui viennent de la publicité ou de magazines ».
L’avocat de Jeff Koons n’a pu être joint avant l’audience. Le tribunal de grande instance de Paris avait jugé en mars 2017 qu’une autre oeuvre de la série « Banality », une sculpture en porcelaine intitulée « Naked » (Nus), était bien la contrefaçon d’un cliché du photographe français Jean-François Bauret. Il avait condamné Jeff Koons LLC et le Centre Pompidou à verser des dommages et intérêts aux ayants droits de l’auteur de la photographie. Jeff Koons avait avant cela été poursuivi à trois reprises pour plagiat et condamné deux fois.
AFP