Cela n’était jamais arrivé en plus d’un millénaire : pour la première fois, des voix de filles ont résonné dimanche matin dans l’imposante cathédrale allemande de Ratisbonne, pour les traditionnels chants de Noël.
En septembre, l’école où sont formés les garçons du renommé chœur catholique de cette institution de Bavière a ouvert ses portes aux filles, en créant une chorale distincte. Et après des semaines de répétition, portant pulls et gants contre le froid hivernal, elles ont donné leur première représentation ce quatrième dimanche de l’avent. La cathédrale de la cité médiévale des bords du Danube était bondée quand les choristes ont fait leur entrée sous de chaleureux applaudissements. «L’histoire s’écrit ici!», a jugé Nepomuk Dillitzer, 17 ans, venu voir sa sœur chanter et qui a lui-même été membre de la chorale de garçons.
La grand-mère, Margaretta Dillitzer, a apprécié le premier concert de sa petite-fille et félicité l’école pour son ouverture. «C’est important parce que c’est une question d’égalité», a-t-elle souligné. Dans la première promotion de filles, Dorothea Krakowsky, 11 ans, s’est inscrite en même temps que son frère jumeau Johannes. «Cela m’a toujours ennuyée que les garçons soient favorisés», a dit avant le concert cette Munichoise aux longs cheveux blonds. «C’est pourquoi je trouve vraiment génial qu’il y ait des filles ici maintenant.»
Un chœur qui remonte à 975
Les «Regensburger Domspatzen», littéralement les Moineaux de la cathédrale de Ratisbonne, sont l’un des chœurs de garçons les plus anciens du monde. Ses origines remontent à 975, quand l’évêque Wolfgang de Ratisbonne décide de créer une école où les garçons auront la tâche de chanter aux offices. Par la suite, ils se produisent aussi hors d’Allemagne et acquièrent une renommée internationale. Les quelque 305 élèves, âgés de 10 à 19 ans, reçoivent une éducation scolaire standard où l’enseignement musical et le chant occupent logiquement une place de choix. Les deux tiers sont en pension.
Cela m’a toujours ennuyée que les garçons soient favorisés
Les frais de scolarité et de pension se montent à 570 euros par mois et les candidats doivent passer une audition éprouvante avant de se voir offrir éventuellement une place. L’école n’a pas été épargnée par les scandales de pédocriminalité dans l’Église catholique. Un rapport de 2017 a révélé que plus de 500 enfants avaient subi des agressions sexuelles ou physiques à l’institut entre 1945 et le début des années 1990. Le rapport reproche aux hauts responsables de l’Église d’avoir fermé les yeux sur les sévices. Parmi eux, Georg Ratzinger, le frère de l’ancien pape Benoît entretemps décédé, qui a dirigé la chorale de 1964 à 1994.
« Le moment était venu de commencer une nouvelle voie »
Le scandale a «probablement» contribué à une baisse des demandes d’inscription en 2016 et 2017, selon Christian Heiss, l’actuel chef des «Regensburger Domspatzen». Après avoir achevé d’importantes rénovations en 2020, l’école a en outre reçu moins de candidatures en raison de la pandémie de coronavirus. «Le moment était venu de commencer une nouvelle voie, une voie de chorale de filles», explique Christian Heiss. Au total, 33 filles ont rejoint l’école en septembre. Si elles répètent séparément des garçons, tous les autres cours sont mixtes.
Pour Jakob Bauer, 16 ans, qui en est à sa cinquième année à l’école, c’est une évolution positive. «Au début, je pensais que ça allait être un changement majeur… mais maintenant, c’est en fait plutôt normal et plutôt cool aussi.» Le plan initial prévoyait que le chœur se produise pour la première fois en 2023, mais les filles ont surpassé les attentes, se réjouit leur cheffe Elena Szuczies. Pour l’instant, l’école n’envisage pas de créer un chœur mixte, notamment parce que les filles ont leur propre son, dit-elle. «Personnellement, j’aime ce son brillant et radieux.»
Dans un premier temps, elles chanteront lors des messes dominicales dans la cathédrale, avec l’ambition de tutoyer les mêmes sommets que l’ensemble des «moineaux». «Les chœurs de garçons sont célèbres et ont une certaine réputation sur le plan musical», souligne Christian Heiss, espérant que la naissance du «chœur de filles», qui se cherche encore un nom à lui, participera à la promotion des chorales féminines.