Plongée dans le monde des humanitaires en zone de guerre. C’est A Perfect Day, film de l’Espagnol Fernando León de Aranoa qui jongle avec la vie, la mort, l’amour, l’humour…
Adapté du roman Dejarse Llover de Paula Farias, A Perfect Day, comédie aux allures de drame ou drame déguisé en comédie, montre clairement les limites de l’engagement humanitaire. Un jour, lors d’un tournage d’un documentaire dans le nord de l’Ouganda avec des membres de Médecins sans frontières, le réalisateur espagnol Fernando León de Aranoa entend parler du livre de sa compatriote romancière.
Immédiatement, il est séduit par la simplicité de l’intrigue, la profondeur dégagée par l’histoire. Aucun doute chez le réalisateur : ce livre, il va l’adapter pour le grand écran et y mêlera ses souvenirs personnels de la guerre des Balkans… C’est, cette semaine sur les écrans, A Perfect Day, donc, de Fernando León de Aranoa, 47 ans, réalisateur de, entre autres, Les Lundis au soleil (2001), Princesas (2005) ou Invisibles (2007) en attendant Escobar avec Javier Bardem et Penélope Cruz (prévu pour 2017).
Ce jour parfait – du moins, l’appelle-t-on ainsi –, le réalisateur espagnol dit l’avoir connu lors de ses voyages durant lesquels il a accompagné des groupes d’humanitaires. Tant en Afrique que dans l’ex-Yougoslavie, il a été impressionné par leur travail, aussi difficile que peu commun. Ce fut alors une évidence : il devait faire partager ce quotidien avec les spectateurs, et il n’y avait qu’une seule solution dans son esprit – tourner un film.
Un film «bon esprit» qui montrerait qu’ils sauvent des vies, sont toujours présents où il y a besoin et aident du mieux qu’il est possible. Autre impératif sur ces humanitaires : dans l’esprit de Fernando León de Aranoa, pas un personnage principal, mais plusieurs, aucun n’était plus important que l’autre.
Standing ovation sur la Croisette
Le tournage, qui a débuté en mars 2014, a été effectué pour l’essentiel en altitude, dans des montagnes difficilement accessibles. Souvenirs du réalisateur : «C’était un tournage très exigeant sur le plan physique pour chacun, techniciens et comédiens. Mais leurs efforts à tous se voient à l’écran : le travail humanitaire n’a rien de confortable. Le climat est extrêmement changeant en altitude, ce qui a rendu notre tâche plus difficile encore.»
L’histoire? Un groupe d’humanitaires, donc, est en mission dans une zone en guerre : Sophie, nouvelle recrue, veut absolument aider; Mambru, désabusé, veut juste rentrer chez lui; Katya voulait Mambru; Damir veut que le conflit se termine et B ne sait pas ce qu’il veut… Projeté au festival de Cannes, le film a été salué par une standing ovation de plus de dix minutes.
Autre souvenir du réalisateur : «Ce film m’a pris trois années de travail. À Cannes, j’examinais avec précision les réactions des gens face à cet humour peut-être surprenant et ses tensions dramatiques… Les applaudissements ont été un vrai soulagement, ils ont véritablement marqué le début international du film!»
Un des acteurs, Benicio Del Toro (qui interprète Mambru), aime rappeler que ceux qu’on appelle les humanitaires sont dotés d’un grand sens de la dérision et que «tourner un film sur eux, c’est leur rendre hommage. Les situations décrites dans A Perfect Day sont réelles. Mambru et son équipe doivent sortir un corps d’un puits afin que les habitants puissent se réapprovisionner en eau potable. Mais un tas d’obstacles va rendre leur mission impossible. On peut en rire, ça n’empirera pas les choses».
Dans ce film, il y a du M.A.S.H. de Robert Altman et du Catch 22 de Mike Nichols, deux longs métrages sortis en 1970. Mais contrairement à ces deux réalisateurs américains, l’Espagnol ne joue pas la caricature et signe une belle satire de la guerre des Balkans – avec une bonne dose de surréalisme sur fond de bureaucratie militaire et de mafias locales.
La mise en scène est délicieusement enlevée, gonflée aux vitamines – ce qui n’empêche pas quelques moments graves, dans un film où brillent Benicio Del Toro (toujours impeccable en anti-héros), Tim Robbins ou encore la Française Mélanie Thierry qui dévoile un joli tempérament comique. Tous, avec application et entrain, apportent leur contribution à une œuvre aux moyens limités mais qui, à travers la vie, la mort, l’humour, l’amour et l’absurdité de la guerre, montre les limites de l’humanitaire, avec efficacité et intelligence.
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan
A Perfect Day, de Fernando León de Aranoa.de Fernando León de Aranoa (Espagne, 1 h 46) avec Benicio Del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry…