Conçu pour servir de refuge pendant la Seconde Guerre mondiale puis utilisé par les services du renseignement et des télécommunications britanniques, un réseau secret de tunnels sous Londres est en passe de devenir une attraction touristique.
Derrière une porte bleue dans un passage étroit au cœur de Londres, se cache l’accès à un réseau d’immenses tunnels sous-terrains. Ici ont travaillé dans le secret des espions et des agents d’un centre de télécommunication devenu un rouage clé du «téléphone rouge». Trente mètres en dessous de l’agitation du quartier de Holborn, dans le centre historique de la capitale britannique, seul le bruit des rames de métro de la Central Line qui circulent dans un boyau supérieur perce l’épais métal de ces tunnels construits pour résister à une attaque nucléaire.
Les deux principaux, de 5 à plus de 7 mètres de diamètre et longs de plusieurs centaines de mètres, «ont été construits pour défendre les Britanniques des nazis» durant la Seconde Guerre mondiale, explique Angus Murray, un gestionnaire de fonds d’investissement qui a racheté l’endroit en 2023 avec l’intention d’en faire une attraction touristique.
Mais achevés en 1942, après le Blitz, les tunnels n’ont jamais servi de refuge et les autorités leur ont rapidement trouvé une autre utilité. Entre 1944 et 1945, l’endroit est choisi pour héberger le Special Operations Executive, une branche du renseignement britannique créée quelques années plus tôt par Winston Churchill pour soutenir les mouvements de résistance en Europe. L’auteur de James Bond, Ian Fleming, y a travaillé, et son expérience lui aurait inspiré le laboratoire de «Q», le fournisseur de gadgets du célèbre agent secret.
Si les « war rooms » du gouvernement étaient bombardées, alors ils se seraient repliés ici
Après la guerre, les tunnels ont ensuite été utilisés pour stocker des documents officiels ainsi que comme lieu de repli pour les «war rooms», le centre de commandement du gouvernement en cas de conflit. «Si les « war rooms » du gouvernement étaient bombardées, alors ils se seraient repliés ici», explique Angus Murray, qui guide une visite pour quelques journalistes.
Au début des années 1950, en pleine guerre froide, quatre tunnels plus petits sont ajoutés et aménagés en centre secret de télécommunications. Le réseau sous-terrain s’étend alors sur environ 8 000 m2 et dispose de trois accès vers l’extérieur. Dans l’une des salles, on peut encore voir le central téléphonique et sa multitude de prises qui, reliées par un cordon, permettaient à un opérateur de connecter manuellement un appelant avec son interlocuteur.
«Parce que, pendant la guerre, certains des centres de télécommunications ont été bombardés, le gouvernement britannique a estimé qu’il fallait un centre situé sous terre», explique Angus Murray. Le premier câble transatlantique de télécommunication y était opéré. C’est ici que se faisait une des connexions du «téléphone rouge», la ligne téléphonique directe reliant la Maison-Blanche et le Kremlin.
Environ 200 personnes du Post Office travaillaient à cette époque au Kingsway Telephone Exchange. Sans lumière du jour, et dans le secret le plus total. Ils avaient accès à un bar, dont on aperçoit encore aujourd’hui le comptoir. Une autre partie du tunnel était aménagée en cantine. Un côté de la paroi y est toujours couverte de miroirs, tandis que de l’autre côté, des images de paysages bucoliques ornent encore le mur, offrant une illusion sans doute bienvenue aux agents pendant leur pause déjeuner.
Ailleurs, des bureaux ont été oubliés et des téléphones filaires sont rangés dans un placard. Un peu plus loin, dans un couloir, les cloisons sont dotées de plusieurs portes qui lorsqu’on les ouvre donnent sur… le mur du tunnel. D’immenses générateurs servaient à alimenter les équipements de télécommunication. Ils prennent désormais la poussière.
À partir des années 1980, avec le développement des techniques de communication plus modernes, le lieu perd sa raison d’être, et est transféré à l’opérateur national British Telecom, qui le met en vente en 2008. Pendant des années, les tunnels n’ont pas trouvé preneurs, n’intéressant que quelques explorateurs urbains clandestins. Çà et là, des graffitis et des canettes de bière attestent de leur passage.
Jusqu’à ce qu’Angus Murray rachète le lieu, pour un montant non dévoilé. L’homme d’affaires cherche désormais des investisseurs pour son projet de transformer l’endroit en attraction touristique. Il espère l’ouvrir au public début 2028.