Se déhancher dans la neige au milieu des montagnes, avant de filer tout schuss? Le festival Tomorrowland anime également les pistes de l’Alpe d’Huez durant une semaine. Les skieurs s’amusent, tandis que les militants écologistes, eux, s’insurgent. Ambiance.
Du son électronique en altitude dans un décor de neige? Dans la station de ski de l’Alpe d’Huez, des milliers de personnes viennent faire la fête au festival de musique électronique Tomorrowland, décrié par certains.
«Il y a de la sérotonine qui tombe du ciel. On voit des gens avec le sourire et ça fait du bien. On vient de Paris. Donc, merci Tomorrowland!», s’amusent Jérémie Blanchar, coach sportif, et Mickael Arslanyan, ostéopathe. Lundi, sous un soleil radieux après deux jours de neige, les deux hommes se déhanchent sur une scène nommée «The Reflection of Love», l’une des trois installées sur les pistes du domaine skiable pour le festival débuté samedi dernier pour une semaine.
Non loin d’eux, Burcu Harmanci, elle, est venue de Turquie. «C’est ma première fois en France et à Tomorrowland. Je suis si contente, c’est super!», s’exclame-t-elle dans un large sourire. «C’est mon cadeau à moi-même pour mes trente ans», dit la jeune femme, affublée d’oreilles de lapin. Comme elle, plus de la moitié des festivaliers sont étrangers, avec toutefois «45 % de Français», souligne Frédéric de Gezelle, chargé des relations presse du festival, qui draine quelque 22 000 personnes.
Ce rassemblement à l’Alpe d’Huez est la version hivernale du festival Tomorrowland qui attire chaque été 400 000 personnes près d’Anvers (nord de la Belgique), ce qui en fait l’un des plus grands rendez-vous au monde pour les fans de musique électronique.
La scène «The Reflection of Love» est installée à quelque 2 108 mètres d’altitude, au pied d’un restaurant dont les terrasses se transforment en pistes de danse. Derrière le DJ, une immense statue blanche de plusieurs mètres de haut se détache des montagnes enneigées en arrière-plan.
«J’ai beaucoup aimé cette scène», assure Etienne Culot, pâtissier grenoblois. Depuis longtemps, il désirait vivre l’expérience Tomorrowland : «J’aurais aimé faire l’édition en Belgique, mais franchement, c’est trop loin». Il a tout de même dépensé 180 euros pour la journée.
Un prix qu’il juge «correct», car incluant un forfait de ski à 64 euros. «C’est sympa d’aller faire du ski et d’écouter de la musique en même temps», explique Dara Schmetz, une snowboardeuse brésilienne. Les trois scènes en extérieur sur les pistes sont ouvertes de midi à 17 h 30, et quatre autres installées dans la station, dont certaines couvertes, assurent le show jusqu’à minuit.
Marque de fabrique de Tomorrowland, toutes sont dotées de décors géants, comme cette immense tête gonflable de 17 mètres de haut, devant laquelle Antoine Lauffer, alias Odymel, 26 ans, mixe en plein air. Dans sa jeunesse, le DJ regardait des vidéos du festival en Belgique.
À l’Alpe d’Huez, «ça reste Tomorrowland et on le sent tout de suite», assure-t-il. Amber Broos, DJ techno habituée du festival, s’est quant à elle produite sur la scène dite «Amare» et son aigle géant. «J’ai tellement aimé jouer ici, la foule était réceptive», se réjouit l’artiste.
Si sa performance s’est déroulée sans accroc, ce n’était pas le cas dimanche pour d’autres, quand des militants d’Extinction Rebellion sont montés sur scène avec des pancartes et des fumigènes pour dénoncer l’impact écologique de l’événement.
«Ce que nous reprochons au festival, c’est qu’il est le produit d’un modèle économique de plus en plus inadapté aux contraintes environnementales et sociales», explique Camille (un prénom d’emprunt) militant au sein du collectif. Il dénonce un festival «proche de lieux protégés» et des festivaliers provenant en majorité de «l’international» avec un lourd bilan carbone.
«Le tourisme n’est pas écologique», reconnaît Frédéric de Gezelle, selon qui le festival fait des efforts, notamment en utilisant des toilettes sèches. Alain Vandevelde, retraité de 68 ans et membre du collectif Stop Tomorrowland, dénonce aussi les subventions au festival par des organismes publics.
«Les subventions représentent en moyenne 300 000 euros et sont versées par l’office de tourisme, la mairie, la Région et la communauté de communes», répond Sébastien Mérignargues, directeur de l’office de tourisme de l’Alpe d’Huez.
Selon lui, la station bénéficie aussi d’un taux d’occupation de 95 % durant cette semaine, hors vacances scolaires. Les responsables du festival estiment à 16 millions d’euros les retombées sur l’économie locale.