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À la Kufa, les femmes crèvent l’écran !


Les héroïnes de "3 Women", dont font partie Sissy Spacek et Shelley Duvall, «ne sont pas des divas ni des sex symbols. Elles ont quelque chose d’indéfinissable», rapporte Jérôme Netgen. (photo Wild Side)

Deux ingrédients dans la recette du cycle «Femmes en action», ce week-end à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette : du cinéma et du féminisme. Avec un programme qui touche juste.

Des femmes et des flingues : c’est peu ou prou le programme explosif qu’a concocté la Kulturfabrik pour son cycle cinéma «Femmes en action», ce week-end. En quatre films, l’institution eschoise veut donner à voir des femmes fortes, qui crèvent l’écran, comme une rétrospective des rôles inoubliables de personnages féminins dans le cinéma populaire. Les œuvres sont américaines, le modèle de présentation aussi, basé sur le «double feature» («double programme») cher aux cinémas de quartier des grandes villes américaines, avec un grand film destiné à faire venir le grand public, accompagné d’un deuxième long métrage compris dans le prix du billet, souvent un film de série B. Pas de cinéma bis ici, mais bien une programmation quatre étoiles avec, demain, le western Johnny Guitar (Nicholas Ray, 1954), mené par Joan Crawford, suivi du «road movie» culte Thelma & Louise (Ridley Scott, 1991), puis, dimanche, l’étrange drame 3 Women (Robert Altman, 1977) précèdera une clôture en beauté avec l'immense Jackie Brown (1997) de Quentin Tarantino.

Deux doubles programmes alléchants qui sont l’œuvre de Jérôme Netgen, programmateur du Kinosch, et de son «conseiller», Patrick Blocman, qui travaille comme directeur de production et régisseur général sur de nombreux films tournés au Luxembourg et, plus récemment, les séries Bad Banks et Capitani. «Il y a deux ans et demi, raconte Jérôme Netgen, on a commencé une sorte de ciné-club, en programmant tous les mercredis un film. Ça peut être de la série B, du film d’horreur italien... On ne s’oriente pas vers le blockbuster ou la production hollywoodienne, on laisse plutôt la place à tous les trucs que l’on a envie de voir.» Le côté intimiste de la salle s’y prête bien, avec sa centaine de sièges et son petit écran qui a vu défiler, jusqu’au début de la pandémie, «une programmation indépendante voire "underground"». Et le cycle «Femmes en action» s’inscrit dans cette même volonté de «proposer d’autres films que ceux que l’on peut voir un peu partout», explique le programmateur. Covid oblige, les séances se dérouleront dans la grande salle de la Kufa, plus adaptée pour recevoir un nombre suffisant de spectateurs.

Patriarcat ? Connais pas !

«Who run the world ? Girls !», scandait Beyoncé dans l’un de ses tubes. Ces «girls»-là sont dangereuses, et pourtant bien éloignées de la figure traditionnelle de la «vamp», la femme fatale, popularisée à la fin des années 1920 par Louise Brooks et Marlene Dietrich, puis devenue incontournable à l’ère du film noir américain, dans les années 1940 et 1950. En devenant un standard hollywoodien, ce personnage est d’ailleurs devenu un piège qui a fini par se refermer sur lui-même. Et qui mieux que Quentin Tarantino pour dépoussiérer les mythes ? D’abord avec Pulp Fiction (1994), dans lequel Uma Thurman est affublée de la coupe au carré très courte à la Louise Brooks, puis avec Jackie Brown, le pinacle du film de femme lâchée dans un monde d’hommes. Sous les traits de l’héroïne qui donne son nom au film, Pam Grier a troqué la coupe afro et les tenues ultralégères qu’elle arborait quelque 25 ans plus tôt dans Coffy (Jack Hill, 1973), contre une tenue d’hôtesse de l'air et un lissage «Silk Press». Et, avec l’âge, de gagner en dangerosité…

Jackie Brown, c’est bien la seule femme fatale du programme proposé par la Kulturfabrik. Si le nom du cycle peut tromper le spectateur, Jérôme Netgen assure que «notre but principal, c’était de montrer des rôles pour actrices très forts». Alors le choix est large... Mais le programme touche juste. Avec Johnny Guitar, le cycle «Femmes en action» veut proposer «un ovni». Le film a beau être devenu un classique, il reste l’un des rares westerns américains à avoir une femme pour protagoniste, même s’il servira d'exemple dans les années à suivre, d’abord avec l’oubliable The Maverick Queen (Joseph Kane, 1956), avec Barbara Stanwyck, puis à l’opéra grandiose de Sergio Leone Once Upon a Time in the West (1968), avec Claudia Cardinale.

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