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À Guernesey, un Victor Hugo décorateur et peintre


(Photo : AFP)

La maison de Victor Hugo à Guernesey, où il vécut en exil pendant quinze ans, dévoile une facette méconnue de l’écrivain et poète : dans ce lieu exceptionnel, qui rouvrira au printemps 2019 après rénovation, il a déployé des talents insoupçonnés de décorateur et de peintre.

« Victor Hugo l’écrivain cache le Victor Hugo artiste, et encore plus le Victor Hugo décorateur », rappelle Gérard Audinet, le directeur des Maisons Victor Hugo.

De l’extérieur, Hauteville House apparaît comme une grande maison blanche qui se fond parmi ses voisines, dans une rue grimpant au-dessus de Saint-Pierre-Port, capitale de Guernesey.

Mais le seuil franchi, le contraste est saisissant : à la blancheur extérieure succède une semi-obscurité où tout est décor, du sol au plafond.

Le vestibule qui mène au vaste jardin est tapissé d’assiettes, dont certaines proviennent d’un service de Sèvres offert au poète par Charles X. Quant au couloir ouvrant sur la rue, il est tapissé de textiles d’Asie du sud-est et de tapas – étoffe d’écorces – d’Océanie.

Entre les deux, un porche exécuté par des artisans guernesiais sur des dessins d’Hugo est surmonté d’un cadre en plâtre peint, figurant des scènes et des personnages de Notre-Dame-de-Paris, publié en 1931. De part et d’autre sont disposées deux claustras réalisées en culs de bouteille. Au-dessus du passage, deux médaillons en bronze représentent des portraits en buste et de profil de l’écrivain et de sa fille Adèle.

« La vie est un exil »

Toujours au rez-de-chaussée, la salle à manger est dominée par une imposante cheminée en relief aux allures de cathédrale, réalisée en faïence de Delft et dominée par une Vierge à l’enfant. Entre deux fenêtres, « le fauteuil des ancêtres », en bois très travaillé et peint selon les directives du maître des lieux, suggère une stalle d’église. Fermé par une chaîne, il symbolise « nos chers envolés (qui) vivent ainsi parmi nous », selon le mot d’Adèle.

Sur quatre niveaux, cette maison acquise par Hugo en 1856, cinq ans après son départ de France au lendemain du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, est « une œuvre d’art à part entière (…). Toute la décoration intérieure a été entièrement conçue » par l’écrivain, insiste M. Audinet.

Hugo, « quand il est décorateur, ne fait rien par hasard. Il poursuit une idée, comme quand il écrit », et les symboles sont omniprésents, même s’il n’en « donne jamais les clés ».

Objets détournés, tapis ou porcelaines du monde entier, tentures d’Aubusson encadrées de chênes sculpté ou tentures de perles, éléments de meubles anciens réutilisés, forment un ensemble foisonnant, dans lequel se glissent parfois citations et devises, comme cet « exilium vita est » (« la vie est un exil ») au-dessus de la porte de la salle à manger.

De cette maison, son fils Charles disait d’ailleurs qu’elle était « l’éducation de l’esprit par la demeure ».

 Une « maison enveloppante »

Dans les étages, la lumière se fait progressivement plus vive, jusque sous les toits, où Hugo avait aménagé son domaine réservé : jouxtant sa chambre lumineuse aux parois peintes, le « look out« , une grande verrière plongeant sur la mer, d’où il pouvait apercevoir par temps clair les côtes françaises.

Et dans un angle, une petite table d’où le grand homme pouvait écrire, dessiner, réfléchir ou simplement rêver…  C’est là qu’il a notamment rédigé « Les Misérables ».

Surchargée, Hauteville House ? « Cette maison n’est pas +chargée+. Elle est enveloppante (…) On est à l’intérieur de la boîte crânienne de Victor Hugo », répond M. Audinet.

Hugo séjournera ici pour la dernière fois en 1878. Car l’homme politique rentrera en France en 1870, dès la proclamation de la IIIème République, dont il deviendra député puis sénateur.

En 1927, ce seul domicile dont il ait jamais été propriétaire sera donné par sa famille à la Ville de Paris, qui l’administre depuis sur ce territoire britannique.

Les travaux en cours dans Hauteville House sont estimés à deux millions d’euros, un montant pour lequel la Ville de Paris a fait appel aux mécènes et au financement participatif. L’objectif est d’aider ce lieu à dépasser les 20.000 visites annuelles.

Le Quotidien / AFP