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À Chicago, capitale du crime, les policiers se réfugient dans l’art


Tableaux peints par des policiers, notamment par Antoinette Alcazar, exposés dans un commissariat de police de Chicago le 5 mai 2017. (Photo : AFP)

Quand elle patrouille dans les rues de Chicago, Antoinette Alcazar, policière, admet se sentir parfois submergée par la tragédie quotidienne de cette ville surnommée la «capitale américaine du crime».

«Je vois beaucoup de monde se faire tirer dessus. J’ai vu beaucoup de gens rendre leur dernier soupir», confie cette trentenaire. «Entrer dans mon atelier, mettre de la musique et juste poser le pinceau sur la toile m’aide à surmonter tout ça», ajoute la jeune femme, policière depuis 11 ans. Avec elle, 16 autres gardiens de la paix, en fonctions ou ayant récemment abandonné le service, présentent leurs œuvres dans une exposition inédite à Chicago.

Avec 1.000 personnes touchées par balle depuis le 1er janvier, dont près de 200 sont décédées, sa réputation de «capitale du crime» ne colle pas par hasard à cette ville du nord des États-Unis. L’an dernier, Chicago a d’ailleurs battu un sombre record avec 4 331 blessés et plus de 750 morts par armes à feu, du jamais-vu en près de deux décennies.

Premiers à arriver sur les lieux du crime, premiers à annoncer la terrible nouvelle aux proches des victimes, les policiers sont aux premières loges des pires violences qui secouent la ville. Certaines des œuvres présentées témoignent sans détour des meurtrissures laissées aussi chez les forces de l’ordre. Photographies, peintures, dessins au fusain et sculptures en acier, l’exposition, intitulée en anglais «Dimensions: An Exploration of Artistic Expression of Chicago Police Officers», rassemble 56 œuvres.

Antoinette Alcazar a apporté cinq tableaux, dont un intitulé «Submergée» où l’on voit une femme peinte en bleue, assise recroquevillée dans une position fœtale, le monde autour d’elle éclatant en bruyantes tonalités rouges et dorées. «J’essayais de représenter l’intensité du sentiment d’être submergée», explique-t-elle, émue et les yeux embués.

« Au-delà de l’uniforme »

Pour cette première, les policiers ont été si nombreux à vouloir présenter leurs oeuvres que les organisateurs ont dû en décevoir certains, faute de place dans ces lieux qui servent d’habitude de salle de réunion. Face à cet engouement, l’exposition, censée au départ ne durer qu’un jour, a été étendue jusqu’à la fin de la semaine prochaine.

Derrière le projet: Sean Loughran, chef de la police dans le 20e District de Chicago qui voulait montrer que les hommes et femmes de la police étaient bien plus que leurs simples uniformes. «J’espère que le public percevra l’autre dimension des policiers qui est montrée ici», ajoute le commandant, gardien de la paix depuis vingt ans. «Etre créatif me permet vraiment d’évacuer le stress», explique Sean Loughran, qui présente aussi plusieurs de ses photos.

En ouvrant leurs sensibilités au public, ces policiers espèrent aussi améliorer leur relation avec une population régulièrement scandalisée par les cas retentissants de brutalités policières visant des Noirs. Fin 2015, la vidéo de la mort de Laquan McDonald –un adolescent noir, non armé, tué de 16 balles par un policier blanc– a poussé à l’ouverture d’une enquête sur les pratiques de la police de Chicago et révélé un usage excessif de la force.

En service depuis 24 ans, Sandy Walter espère donc que l’exposition permettra de changer la perception du public. «Nous ne sommes pas seulement ce que vous voyez au journal télévisé, nous ne sommes pas seulement ce que les gens imaginent», affirme-t-elle. «Nous sommes beaucoup plus que cela.»

Le Quotidien/AFP