L’autrice de La Servante écarlate raconte son enfance dans les bois, ses combats féministes et l’immense succès de son roman culte dans une autobiographie.
«Je traverse le temps qui passe et, lorsque j’écris, le temps qui passe me traverse», écrit Margaret Atwood, 86 ans, en introduisant Le Livre des vies, mémoires écarlates. Elle ne cache pas que sa mémoire défaille parfois. «Les souvenirs peuvent être précis mais fantaisistes», écrit-elle.
Le livre est épais : près de 600 pages retraçant une vie riche, rythmée par une cinquantaine de romans, d’essais et de recueils de poèmes publiés. Traduite dans de nombreuses langues, elle a remporté de prestigieux prix littéraires, dont le Booker Prize. Forte du succès de ses livres, Margaret Atwood est fréquemment intervenue dans le débat public dans son pays et le monde anglophone.
À la fin de son autobiographie, elle exprime sa crainte que prenne fin «l’époque optimiste» qu’elle a connue, «car l’autoritarisme progresse, même au sud de la frontière canadienne», faisant ainsi référence aux États-Unis sous la présidence de Donald Trump.
Publié en 1985, La Servante écarlate est souvent considéré comme un roman prophétique, surtout après être devenu un succès planétaire en étant adapté en série télévisée (The Handmaid’s Tale, 2017-2025).
Cette dystopie décrit une Amérique transformée en dictature patriarcale, «Gilead», où des femmes, encore fertiles malgré les ravages de la pollution, deviennent des esclaves sexuelles au service de familles stériles. Le costume des «Servantes», capes rouges et coiffes blanches, s’est imposé comme un signe de ralliement des opposants au président américain, surtout au cours de son premier mandat.
«Il est certain que cette œuvre a terrifié et ébranlé des générations de jeunes lecteurs», reconnaît la romancière dans ses mémoires. Elle attendra 34 ans pour en donner une suite, avec Les Testaments, publié en 2019.
Jeunesse atypique
L’œuvre de Margaret Atwood «est tout ce qu’il y a de plus sérieux, profondément ancrée dans les préoccupations d’aujourd’hui – crise climatique, économique, sociale… Mais il y a aussi son humour et son sens de l’intrigue», résume Christine Evain, spécialiste de la romancière, qu’elle qualifie encore de «pessimiste dynamique» dans un Cahier de l’Herne consacré à la Canadienne.
Dans ses mémoires, Margaret Atwood raconte avec nostalgie sa jeunesse atypique avec des parents originaux, son père étant entomologiste. Elle a connu une grande liberté en grandissant dans une cabane éclairée au kérosène au milieu d’une forêt de l’Ontario.
Ce qui a stimulé son imagination et son goût des histoires. Elle a écrit ses premiers contes à six ans, fascinée par ceux de Grimm, et n’est entrée véritablement à l’école qu’à l’âge de onze ans.