En août prochain, elle fêtera son 90e anniversaire. Alors, sûrement, Betty Boop chantera cette phrase qui l’a rendue célèbre : «Boop Boop a Doop»… Ce sera l’occasion de célébrer également le personnage essentiel d’une histoire de la condition féminine…
Il s’appelait Grim Natwick, était dessinateur et bossait dans les années 1920-30 pour les studios des frères Fleischer. Né en 1890, mort en 1990, il a souvent raconté avoir «juste dessiné un petit chien à qui j’ai ajouté des jambes de femme et ce qui est devenu des boucles d’oreilles par la suite étaient d’abord des longues oreilles. Je crois que je me suis inspiré du caniche français, pour avoir une idée simple du personnage»…
Voilà, donc, c’est tout simple, quelques coups de crayon, on s’inspire d’un caniche et on dessine un personnage qui va devenir une icône éternelle, délicieux mix de candeur et de sexy. La première fois qu’on a vu ce personnage, c’était dans un des «talkartoons», une série de 42 dessins animés par Fleischer entre 1929 et 1932. C’est le 3 août 1930 dans Dizzy Dishes qu’apparaît dans un décor de cabaret une jeune fille qui n’a pas de nom et qui est la petite amie de Bimbo, la star des studios Fleischer.
On la remarque, elle y interprète une chanson dont le refrain se termine par la phrase «Boop Boop a Doop». Et c’est en 1931 dans Silly Scandals qu’on apprend son véritable nom : Betty Boop. Une star est née… et pour la première fois dans l’univers du dessin animé, la vedette n’était pas un animal mais un personnage humain – en l’occurrence, une femme.
Le 12 août 1932, elle a droit à son premier film : Stopping the Show – elle y imite des chanteurs dont le Français Maurice Chevalier. Suivent, entre autres, Betty Boop Bamboo Isle (1932), I’ll Be Glad When You’re Dead You Rascal You avec Louis Armstrong (1932) ou encore Snow White (1933). Mais les temps changent : dans les années 1930, est appliqué outre-Atlantique le fameux «code Hays». Betty doit rallonger ses jupes, être moins sexy, mais plus que son apparence, ce sont les rôles qui changent.
Elle s’aventure moins dans le non-sens ou dans le tendancieux. On la verra aussi dans son premier et seul film en couleurs : Poor Cinderella. Il y aura encore quelques dessins animés, des films – le dernier, Rhythm on the Reservation, en 1939. Il faudra attendre 1970 pour la revoir en version colorisée, pour pouvoir être diffusé à la télévision. En 1988, elle réapparaît au cinéma : c’est dans Qui veut la peau de Roger Rabbit – en noir et blanc, on la voit en serveuse dans le cabaret où chante Jessica Rabbit… Enfin, en 2001, le réalisateur Richard Fleischer et la compagnie Mainframe Entertainment annoncent une série mise en images par ordinateur mais le projet, à ce jour, est toujours dans les cartons…
Née dans l’Amérique de la Grande Dépression
Peu importe, née dans l’Amérique de la Grande Dépression, Betty Boop demeure une star mondiale à bientôt 90 ans. Sa popularité tient au fait qu’elle plaît autant aux femmes qu’aux hommes. Pour ce mélange de liberté, d’autonomie, de gentillesse, de cette pointe de sexy avec sa jarretière ornée d’un cœur sur le haut de sa cuisse gauche…
Toutefois, il ne faudrait pas faire de Betty Boop toujours pimpante seulement un personnage candide ou «poupoupidou» sexy… Bien sûr qu’elle est mutine, qu’elle est insouciante mais il faut bien admettre qu’elle est une héritière des suffragettes des premières années 1900 et une inspiratrice du Women’s Lib des années 1960.
Ne jamais oublier que dans un film, elle n’a pas hésité à flanquer un gifle cinglante à un patron harceleur; qu’en 1932, dans Betty Boop for President, elle s’est présentée à l’élection présidentielle… Ainsi, elle qui gagnait sa vie en femme indépendante, ne négligeait pas de faire la fête quand elle en avait envie, a eu droit en 2017 en plein scandale Harvey Weinstein à la «une» du New Yorker. En pleine tempête #MeToo, elle était représentée la mine effarée… Betty Boop for ever, oh! Oui, parce qu’elle raconte tout simplement une histoire de la condition féminine.
Serge Bressan
Betty Boop for Ever. Documentaire de Claire Duguet. À voir sur ARTE (première diffusion le 27 mars).
Pour les 90 printemps de la célèbre pin-up, ce documentaire enlevé et post #MeToo de @claire_duguet revisite l’icône #BettyBoop. #PouPouPidou
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— ARTE pro (@ARTEpro) March 3, 2020