Auréolé de la Caméra d’or en 1984 pour Stranger than Paradise, prix de la meilleure contribution artistique en 1989 pour Mystery Train, Palme d’or du court métrage en 1993 pour Coffee and Cigarettes et Grand Prix en 2005 pour Broken Flowers, Jim Jarmusch, ce véritable amoureux du 7e art «aime tous les genres de films qu’ils soient très vieux, d’auteurs, de grosses productions, venant du monde entier, peu importe, je regarde tout ce que je peux et sur n’importe quel support» renoue avec la compétition cannoise trois ans après Only Lovers Left Alive avec Paterson.
Dimanche soir, 20h53, la presse sort de sa séance. Les caméras attendent les journalistes, les micros sont branchés, prêts à recueillir l’avis des confrères. Les superlatifs vont bon train : chef d’œuvre, magnifique, somptueux, quel film ! Certains même en parlaient encore ce matin en faisant la queue pour la séance presse : «j’en ai rêvé toute la nuit, je voyais les mots qui volaient, j’entendais les poèmes». Comme à l’accoutumée, aurais-je envie d’écrire, car à chaque fois que Jim Jarmusch présente un film à Cannes, il séduit la presse.
A travers Paterson, il nous raconte une histoire simple. Celle d’un couple qui vit à Paterson, dans le New Jersey. Une ville où ont vécu les poètes William Carlos Williams et Allan Ginsberg. Lui, s’appelle Paterson et elle Laura. Leur vie est réglée comme sur du papier à musique. Il est chauffeur de bus et elle, multiplie projets et expériences. A leurs côtés, vit Marvin, le bouledogue anglais. Paterson aime la poésie et dès qu’il a un instant, il en écrit sur un carnet qu’il garde secret.
Adam Driver et Golshifteh Farahani lumineux
Sans esbroufes ni effet de manche, sans violence, sans sexe, en tout simplicité, Jim Jarmusch nous raconte cette histoire d’un couple qui semble avoir une vie bien monotone. Mais de l’avis du réalisateur, il n’en est rien. «Le couple est heureux, ils vivent au jour le jour, ils ont de l’empathie l’un pour l’autre, ce qui leur permet de durer à tout jamais.»
Sa mise en scène est aussi légère que les mots poétiques qui s’inscrivent sur l’écran. Les dialogues sont tout aussi imagés et même parfois ne manquent pas d’humour comme cette réplique : «traduire un poème japonais c’est comme prendre une douche avec un imperméable.» L’humour faisant aussi partie de l’univers de Jim Jarmusch, que ce soit à travers le film avec Marvin qui joue des tours à son maître ou dans ses réponses comme lorsqu’il explique aux journalistes que Marvin est un chien tellement doué qu’il a écrit lui-même ses dialogues et qu’il était capable d’improviser.
Paterson est un hymne à la poésie, au cinéma et à la vie «vous pouvez choisir votre vie, Paterson a fait le choix de cette double vie de chauffeur et poète. C’est une chance pour lui d’avoir pu faire ses deux choix», précise Jim Jarmusch qui termine par «Adam Driver (alias Paterson) et Golshifteh Farahani (alias Laura) ont tous deux illuminés ma vie.»
A Cannes, Thibaut Demeyer