Andrew Haigh signe, avec 45 Years, un film de silences et de doutes avec de vieux amants, dans lequel brille la cultissime Charlotte Rampling, nommée aux Oscars.
Il s’est fait connaître comme assistant pour le scénario de deux films de Ridley Scott ( Gladiator , 2000, et Black Hawk Down , 2001). En 2003, l’Anglais Andrew Haigh passe à la réalisation, signe un premier long métrage ( Oil ). En 2009, il réalise son premier film, Greek Pete (sur la prostitution masculine), puis en 2011, c’est une comédie dramatique romantique, Week-end . En ce début d’année, on retrouve Andrew Haigh, 43 ans, pour un troisième long métrage, 45 Years . Un film présenté en février 2015 à la Berlinale de Berlin, où il fut acclamé et doublement récompensé (Ours d’argent du meilleur acteur et de la meilleure actrice).
La grande force de 45 Years : le formidable souffle de mélancolie qu’il fait flotter. Adapté de In Another Country , une nouvelle du romancier et poète britannique David Constantine, 45 Years évoque l’histoire de Kate et Geoff Mercer. Ils sont unis depuis 45 ans et vont fêter cet anniversaire de mariage. Mais, pendant les préparatifs de la fête, va exploser une «bombe» : Geoff apprend que le corps de Katya, disparue 50 ans auparavant, a été retrouvé dans les glaces des Alpes. Précision : Katya a été le premier amour de Geoff… Cette annonce va chambouler le couple, Kate modifiant dès lors son regard sur son mari. Mélancolie, jalousie sur des noces de vermeil. Andrew Haigh a tenu à expliquer cette orientation.
« Ces fêtes de mariage sont l’occasion pour les gens de montrer au monde ce qu’ils ont fait de leur vie, de leur couple, et donc cela paraissait logique qu’un couple puisse s’effriter sous cette pression …» Le réalisateur confie aussi avoir noté des points communs avec son précédent film ( Week-end , avec une histoire d’amour entre deux jeunes hommes) : « Dans ces deux films, on raconte la complexité inhérente à l’intimité entre deux personnes. Les risques qu’il y a à s’exposer émotionnellement à autrui. La difficulté à être sincère au sujet de ses peurs. Je suis intéressé par la façon dont les histoires d’amour disent beaucoup de nous, de ce que l’on veut dans la vie et de la façon dont on veut être perçus .»
«Nos vies sont courtes»
Et dans ce beau film avec deux vétérans du couple, il y a la cultissime Charlotte Rampling. À bientôt 70 ans (le 5 février), l’actrice anglo-française illumine 45 Years et, après avoir remporté deux prix d’interprétation (l’Ours d’argent à Berlin et l’European Film Award), elle est nommée pour l’Oscar de la meilleure interprète féminine – résultat le 28 février. Confiant son bonheur d’avoir joué le rôle de Kate, elle a glissé : « C’est un film qui ne traite pas seulement de l’âge et du vieillissement, il aborde aussi des questions profondément existentielles que l’on se pose à tout âge. Ce qu’on a fait de sa vie, les choix qu’on a faits, la personne qu’on a choisie… Nos vies sont courtes et quand on arrive à l’âge que j’ai, on le sait bien. J’ai bien vécu, mal vécu? Je suis là, j’ai encore des années devant moi .»
Et d’ajouter : « Ce film donne une immense valeur à ma vie. Pas à ma vie d’actrice, mais à ma vie. Je peux montrer qui je suis à travers Kate et une belle relation de couple qui n’est pas la mienne, même si j’en ai vécues de formidables. » Dans 45 Years , film de silences et de doutes d’amants âgés et tout en réalisme sentimental filmé à l’anglaise, aux côtés de l’impeccable Tom Courtenay, elle fait merveille…
Serge Bressan
45 Years , d’Andrew Haigh. (Grande-Bretagne, 1h35), avec Charlotte Rampling, Tom Courtenay, Geraldine James…