Yanis Bahloul, jeune recrue du Racing, n’a que 22 ans, mais le CV type du gamin hyper-talentueux… qui a failli se perdre.
Joël Pedro et Tom Laterza ont pris un petit coup de vieux, le 1er août du côté du Casino 2000 de Mondorf, lorsqu’ils ont croisé l’ultime recrue estivale du RFCU, un certain Yanis Bahloul. À Sedan, durant leur formation, ils ont souvent croisé ce jeune ailier surclassé débarqué à l’âge de 16 ans dans le groupe de CFA 2 avec dans sa musette le statut de meilleur buteur national dans les catégories U15.
Seulement, Yanis Bahloul a le talent de ceux qui tombent parfois sur des agents peu scrupuleux. Ou qui tentent des choses folles sans pare-feu, alors que la crainte de se brûler les ailes est réelle. Courtisé par l’OM, il se heurte au refus de Sedan de le laisser partir. Il opte alors pour un contrat de… six mois au Chievo Vérone. Il a 17 ans. Il doit s’y entraîner avec les pros et jouer avec la réserve.
Tout passe vite et bien, et il renouvelle la même expérience curieuse… au Napoli. «Je m’entraînais avec Hamsik, Insigne et Cavani. Lavezzi, je l’ai juste croisé une journée parce qu’il venait de signer au PSG. J’ai été étonné de voir à quel point ils sont cools. Le plus impressionnant, c’est Cavani. Sa condition physique et son adresse devant le but sont tout simplement impressionnantes. Ils m’ont donné des conseils. Le plus important, c’était de travailler comme un fou à l’entraînement. Auprès de gars comme ça, forcément, on apprend plus vite.» Mais on ne perce pas pour autant. Logé à l’hôtel du club, nourri, blanchi, fan de l’ambiance autant que de la météo, Bahloul doit plier bagage car il change d’agent. Le deal tombe à l’eau. Direction Compiègne et la CFA 2.
«Il fallait arrêter le massacre»
«C’est sûr, ça change», rigole Bahloul. Mais il va vite se faire rattraper par l’exotisme. Après une saison, le joueur se laisse persuader par un nouveau challenge encore plus fou : rejoindre la D1 lituanienne et le club de Dainava Alytus, qui vient de monter et espère taquiner l’Europa League. Bahloul s’enthousiasme et, un an et demi après, ne regrette pas plus que l’Italie : «C’était sympa comme aventure. Un bon gros match, là-bas, ça se jouait devant 5 000 spectateurs. Mais il y a des règles comme au Luxembourg. Pas plus de X étrangers sur la feuille de match. J’ai joué quelques matches de Coupe, mais pas beaucoup plus. Le but, c’était jouer à fond, avoir de bonnes statistiques et rebondir ailleurs.»
Il rebondira… dans les Ardennes. À attendre une nouvelle expérience. Elle arrive avec des contacts d’amis qui le branchent avec Sami Smaïli, vite conquis et ne peut pas le regretter : Bahloul lui a déjà mis un but et une passe décisive en trois entrées en jeu et 67 minutes sur le terrain seulement. C’est pourtant loin d’être un titulaire potentiel : «Mon rôle à moi, c’est de le protéger. C’était la petite star du coin à Sedan, mais on a l’impression qu’il a le parcours d’un joueur en fin de carrière. Il a fait dix clubs en deux ans, c’est anormal, il fallait arrêter le massacre. Il doit remettre le disque dur à zéro, réapprendre à se dire qu’il n’est pas indispensable.»
Samedi, à la Frontière, Bahloul a failli s’en rendre compte avec une bonne baffe dans la tronche : alors que le RFCU mène 0-1, il tente un truc dans une zone du terrain qui ne se prête pas à la fantaisie et la Jeunesse recolle (1-1). Aussitôt, Smaïli l’attrape depuis son banc de touche : «Maintenant, tu rattrapes ton erreur !» Sur le ballon qui suit, Bahloul lâche une accélération monumentale qui scotche tout le monde et aboutit à une passe décisive pour Sinani (2-1). «Sans cette action, se réjouit son coach, il aurait eu la tête dans le sac et ça nous aurait pris un mois à le remettre sur pied.»
Bahloul a pris du plomb dans la tête et joué aux héros. Tout bénéfice pour un RFCU étonnant 5e et qui va recevoir Canach pour potentiellement boucler son mois d’août en fanfare. Et Bahloul, loin du Vésuve et de la Baltique, continue son curieux apprentissage. «Pour moi, tranche Smaïli, ça reste un bébé avec une VMA au-dessus de tout le monde et capable de buts venus d’ailleurs. Contre Épinal, il nous a mis un tir de 35 m en lucarne. Mais le talent ne suffit pas !»
Julien Mollereau
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