Canal+ a proposé à Telecom Italia dont il contrôle un quart du capital la création d’une nouvelle chaîne payante en Italie, « Canale+ » : un changement de braquet pour Vivendi, sa maison mère, qui cherche à sortir du conflit acrimonieux qui l’oppose à Mediaset dans la péninsule.
C’est par un courrier adressé à l’opérateur Telecom Italia (TIM), que la filiale de TV payante de Vivendi a suggéré la création d’une société commune pour acquérir des droits audiovisuels et produire des films et séries, ont indiqué mardi à l’AFP plusieurs sources proches du dossier, confirmant des informations de presse.
Vivendi, maison mère de Canal+, a une empreinte importante en Italie où le groupe est le principal actionnaire de l’opérateur Telecom Italia, avec 23,9% de son capital, et le deuxième actionnaire de Mediaset, groupe de TV contrôlé par la famille Berlusconi.
Cette co-entreprise dans laquelle Canal+ disposerait « d’une participation minoritaire », a précisé une source, « permettra à Telecom Italia de développer rapidement une offre différente de télévision payante en Italie », en « s’appuyant sur des contenus originaux et exclusifs », a indiqué une source proche du dossier.
Vivendi voit dans ce projet baptisé « Canale+ » la possibilité de mettre à profit en Italie ses séries, ses émissions de divertissement ou le catalogue de 6.500 films de Studio Canal, mais aussi d’investir ensemble dans de nouveaux contenus.
« Les premiers feux verts pour la production de contenus pourraient intervenir dès octobre 2017 », selon cette lettre signée de Jacques Du Puy, président de Canal+ International.
Telecom Italia pourrait même « envisager la possibilité de renforcer ses contenus par des acquisitions de droits sportifs », détaille la lettre envoyée à Telecom Italia.
Le conseil d’administration de l’opérateur, qui se réunit jeudi pour décider de sa nouvelle gouvernance, pourrait aussi examiner cette proposition.
Parmi le trio de dirigeants qui devrait succéder au patron de l’opérateur Flavio Cattaneo sur le départ, Amos Genish, responsable de la convergence chez Vivendi et ex PDG de Telefonica Brasil, est en pole position pour piloter le projet.
« Vivendi veut mettre en place une convergence entre les tuyaux et contenus en Italie, mais n’y est pas parvenu jusqu’ici à cause du conflit qui l’oppose à Mediaset (groupe de Silvio Berlusconi, ndlr) et aux restrictions imposées par le gouvernement » italien, a rappelé à l’AFP Jean-Baptiste Sergeant, analyste pour la banque Mainfirst.
Vivendi et Mediaset avaient annoncé en avril 2016 un « accord stratégique » qui devait donner naissance à un nouveau géant latin des contenus.
Mais des désaccords sur la mise en œuvre d’un rachat par Vivendi du bouquet de télévision payante Mediaset Premium et un échange de participations ont débouché sur un conflit aigu avec la famille Berlusconi et une avalanche de procès.
Cette initiative « est une façon de contourner les obstacles pour faire jouer des synergies dans la TV payante », juge Jean-Baptiste Sergeant.
« Il est probable que la nouvelle chaîne envisage de se positionner sur les prochains appels d’offre de sport, tels que ceux de la Série A », la première division de football italien, anticipe Jérôme Bodin, analyste pour Natixis dans une note.
Ce qui placerait Canale+ en concurrence frontale avec le bouquet Mediaset Premium et aussi Sky, contrôlé par le magnat Rupert Murdoch.
Cette nouvelle chaîne, qui ne peut qu’inquiéter la famille Berlusconi à la peine pour redresser son bouquet de TV payante, « peut être une solution pour débloquer le conflit avec Mediaset » et représente « une porte ouverte », suggère une autre source proche du dossier.
La société commune avec Canal+ dans laquelle Telecom Italia sera majoritaire pourrait ainsi à terme accueillir Mediaset en tant que troisième actionnaire, lui permettant de sortir par le haut d’un conflit paralysant.
A plus court terme, Canale+ devrait être proposé aux clients de Telecom Italia et l’aider à contrer l’arrivée de Free (groupe Iliad) en Italie.
TIM pourrait ainsi faire valoir une offre de contenus exclusifs face à Free qui cherchera sans doute à bousculer le marché avec une offre de télécommunications bon marché, comme il a su le faire en France.
Le Quotidien/ AFP