Prise en charge des agresseurs pour diminuer les récidives, introduction de l’emprise psychologique dans le code pénal, renforcement d’un numéro d’écoute : le gouvernement français a annoncé lundi un plan anti-féminicides, espérant qu’il provoque un « électrochoc » de nature à endiguer un fléau qui suscite une vague d’indignation sans précédent dans le pays.
Les financements sont « là », « massifs », a assuré le Premier ministre Édouard Philippe, confirmant le chiffre de 360 millions d’euros dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes « en une année ». Depuis le début 2019, plus de 130 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon un décompte et une étude au cas par cas menés. Pour mettre fin à des « dysfonctionnements dont nous n’avons pas jusqu’à aujourd’hui voulu prendre conscience », Édouard Philippe a annoncé des initiatives susceptibles selon lui de « briser la chaîne du silence ».
Il s’agira notamment de « mieux définir dans notre droit ce que recouvre le terme de violences », en créant une « nouvelle circonstance aggravante pour les auteurs de violences dans le cas de harcèlement ayant conduit au suicide », ou encore en inscrivant dans la loi la notion d' »emprise » psychologique, qui « prépare souvent la violence physique », a détaillé le Premier ministre. Il a confirmé que les règles régissant le secret médical seraient aménagées, pour permettre aux professionnels de santé de signaler plus facilement les « cas d’urgence absolue où il existe un risque sérieux de renouvellement de violence ».
Certaines « absurdités juridiques » seront supprimées, comme l’obligation alimentaire « qui contraint les enfants à subvenir aux besoins de leurs parents, donc de leur père, y compris quand celui-ci a assassiné leur mère ». Plusieurs de ces mesures seront inscrites dans une proposition de loi, a confirmé Édouard Philippe. Ce texte entérinera aussi « le principe de la suspension automatique de l’autorité parentale pour le conjoint meurtrier » ou de son « aménagement par le juge pénal » pour le conjoint violent, mesures annoncées le 3 septembre.
Plus de centres et places d’hébergement
Dès dimanche, la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa avait annoncé que le gouvernement allait créer et cofinancer à 50%, dans chaque région, deux centres de prise en charge des hommes auteurs de violences conjugales, afin de faire baisser la récidive. Par ailleurs, la ligne d’écoute dédiée aux victimes de violences conjugales, le 3919, fonctionnera désormais 24 heures/24 et 7 jours sur 7. Une dizaine de mesures avaient déjà été annoncées début septembre, dont la création de 1 000 nouvelles places d’hébergement et de logement d’urgence pour les femmes victimes ou la généralisation du dépôt de plainte à l’hôpital.
Figuraient également dans cette première liste l’identification de « procureurs référents spécialisés » dans tous les tribunaux, et la création d’une « grille d’évaluation » devant permettre aux forces de l’ordre de mieux estimer le danger encouru par les femmes qui se présentent au commissariat ou à la gendarmerie. Les députés ont par ailleurs adopté mi-octobre une proposition de loi pour mettre en place, début 2020, le bracelet anti-rapprochement, qui permet de maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents.
De son côté, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a assuré dimanche être favorable à ce que les victimes de violences conjugales puissent débloquer leur épargne salariale « en urgence », pour être financièrement plus autonomes lorsqu’elles veulent « claquer la porte et se sauver ».
Ces annonces étaient attendues de pied ferme par les militantes féministes, confortées par le succès des manifestations contre les violences sexuelles et sexistes de samedi, qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans toute la France. « Le gouvernement rate le coche », a commenté devant des journalistes Caroline De Haas, du collectif #NousToutes. « La déception est à la hauteur de l’immense mouvement, de l’attente soulevée ces derniers mois », a-t-elle ajouté.
LQ/AFP