Du remaniement d’août 2014 au choc des attentats de janvier 2015 : durant six mois, le réalisateur Yves Jeuland a filmé François Hollande à l’Elysée, dans une des périodes les plus intenses de son quinquennat, avec comme fil rouge l’omniprésent conseiller en communication Gaspard Gantzer.
Dans « Un temps de président », qui sera diffusé lundi à 20h50 sur France 3, ne figure aucun commentaire. Seul avec sa caméra, Yves Jeuland, filme au plus près un président à l’émotion toujours contenue. Contraste saisissant avec les mimiques du numéro deux de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet, ami de toujours de François Hollande, poursuivi par une réputation de gaffeur invétéré. Le second rôle revient en réalité à Gaspard Gantzer, propulsé chef de la com’ présidentielle en avril 2014 et qui, à peine arrivé à l’Elysée, tutoie déjà le chef de l’Etat.
Du président rincé par la pluie à l’île de Sein, aux tragiques attentats de janvier, en passant par le jeu de chaises musicales du gouvernement Valls II, ce camarade d’Emmanuel Macron à l’Ena, portable vissé à l’oreille, est toujours là pour distiller aux journalistes la parole du président et le contexte. Une scène révèle l’envers de cette communication : une brochette de journalistes alignés face caméra dans la cour du Palais, reprenant à l’unisson, sous la pression du direct, ces fameux « éléments de langage ».
Au-delà des traditionnels plans sur les dorures du Palais, le ballet des huissiers et autres gardes républicains, le documentaire regorge de scènes inédites, cocasses ou dramatiques. Comme celle filmée sur la terrasse du jardin de l’Elysée, où François Hollande et Manuel Valls prodiguent leurs premiers conseils à la toute nouvelle ministre de la Culture Fleur Pellerin.
« Il faut des idées, vois Jack! Il a des idées », et « Monique, bien sûr! », lance le président évoquant le bouillonnant ex-ministre de la Culture Jack Lang et son épouse.
« Va au spectacle! », exhorte à son tour Manuel Valls. « Tous les soirs, il faut que tu te tapes ça. Et dis que c’est bien, que c’est beau », renchérit le président, ne cachant pas son peu de goût pour les événements culturels.
Autre scène d’anthologie, quand le président apprend dans sa voiture, par un tweet, la sortie du livre de son ex-compagne Valérie Trieweiler, « Merci pour ce moment », où, dit-on, il « n’est pas épargné ». A peine une légère moue et François Hollande se plonge dans la lecture de l’Equipe. La remise de la Légion d’honneur à l’écrivain Jean d’Ormesson, elle, illustre l’humour teinté d’autodérision de l’actuel locataire de l’Elysée.
« Le président pour lequel vous n’avez pas voté a le plaisir gourmand et une fierté jubilatoire à vous remettre la Grand Croix de la Légion d’honneur », s’amuse le chef de l’Etat, dans son hommage à l’éditorialiste du Figaro. Juste avant cette décoration, les secrétaires du président tapent au dernier moment le texte zébré de flèches et d’annotations incompréhensibles. « On continue à faire notre décryptage du Hollandais », s’amusent-elles.
Drames et moments d’émotions ponctuent aussi le documentaire, comme la libération de l’otage Serge Lazarevic, accueilli par François Hollande à sa descente d’avion. Mais le plus frappant est le choc des attentats de janvier. Sur fond d’écran noir claquent les coups de feu tirés lors de l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo, avant que l’image ne réapparaisse pour l’adresse du président aux Français
Le 11 janvier, Yves Jeuland filme de l’intérieur l’arrivée des dirigeants étrangers, accueillis par le président de la République sur le perron de l’Elysée, avant la manifestation monstre dans les rues de Paris.
Au téléphone, Gaspard Gantzer s’emploie à restituer aux journalistes l’ambiance de cette séquence « dramatique ». Quant à ce que pense le président, « il est souvent avare de mots sur la qualification des choses, parce qu’il pense tout de suite à l’après », explique-t-il. L’une des dernières images montre non pas le président, mais son messager, quittant l’Elysée dans la nuit, à scooter.
AFP / S.A.