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Un monde à l’échelle locale, selon Rob Hopkins


Rob Hopkins a cofondé le mouvement des initiatives de transition qui lutte au niveau local, avec des projets communautaires, contre les effets ravageurs du réchauffement climatique.

Après avoir établi le défi que représentait le changement climatique dans un ouvrage précédent, vous avez publié l’année dernière Ils changent le monde ! 1 001 initiatives de transition écologique. Votre propos est de montrer qu’au-delà des solutions globales, il y a toujours quelque chose à faire à un niveau local, avec quelques voisins.

Rob Hopkins : Je pense que, parfois, on perçoit le mouvement comme voulant se débarrasser complètement de la globalisation, mais il y a beaucoup de choses bien qui viennent de la globalisation. Il n’est pas question d’ériger une clôture autour de Luxembourg par exemple.

Il y a un effet de balancier entre la globalisation et la « localisation », l’économie mondiale est une bonne chose en soi, mais le problème, c’est que l’économie globalisée est devenue un procédé qui sert les intérêts d’un nombre de personnes de plus en plus réduit. C’est devenu un moyen de concentrer les richesses et les ressources dans les mains de quelques-uns. Aux dépens des économies locales qui nous font vivre depuis des centaines d’années.

Les initiatives de transition sont un procédé économique qui, au lieu d’aller vers plus de globalisation sans contrôle, certifient qu’à l’échelle locale il y a beaucoup de choses à faire. Ce qui est très intéressant à mon avis.

Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Jusqu’à il y a cinq ans, aux États-Unis, le marché de la bière était dominé par peut-être quatre grandes brasseries. Maintenant, 11 à 12% des bières vendues aux États-Unis viennent de brasseries artisanales, qui représentent un modèle différent. Ce modèle est ancré dans la communauté locale, il utilise des produits locaux : c’est de l’innovation, de la création, quelque chose de durable. Et cela se développe très rapidement. Donc, si vous prenez cette idée et que vous l’appliquez à d’autres modèles, qu’est-ce que cela pourrait donner ?

Nous avons fait une analyse dans ma ville (NDLR : Totnes, sud-ouest de l’Angleterre) et nous avons calculé que nous dépensons chaque année 30 millions de livres en nourriture, mais que 22 millions revenaient aux supermarchés. Dans le quartier de Brixton à Londres, 93% des dépenses en nourriture tombent dans les caisses des supermarchés. Notre argument, c’est que réinjecter une partie de cet argent dans des structures locales serait plus pertinent. C’est là que se trouvent l’innovation et la créativité, et cela revient à plus de démocratie, je trouve.

Votre dernier livre dresse un état des lieux sur les initiatives qui ont abouti. C’est un bon moyen pour les personnes intéressées de se lancer, car elles peuvent y trouver des exemples très concrets…

Nous avons toujours dit que les initiatives de transition sont une expérience. La question est : comment faire pour garder un monde où la température ne dépassera pas les 2°C tout en gardant le contrôle de ce que nous voulons faire. Même si quelqu’un vient et dit que le changement climatique est terminé parce qu’une source inépuisable d’énergie non polluante a été trouvée, les membres du collectif seront presque déçus et voudront continuer ces projets, car ils prennent beaucoup de plaisir à être ensemble pour le faire !

Même quand le gouvernement nous dit que c’est impossible, le collectif prouve qu’au contraire, on peut le faire. En tant que mouvement, les sept ou huit dernières années ont prouvé que nous avons atteint un degré de maturité assez remarquable. Je suis impliqué dans un projet où la communauté devient son propre promoteur. D’habitude, les centres-villes sont planifiés par des promoteurs qui remplacent par des horreurs les bâtiments existants et je pense qu’on peut faire mieux. C’est vraiment cela notre message : on peut faire mieux que ça.

Entretien avec Audrey Somnard, à lire en intégralité dans l’édition papier du Quotidien de ce lundi.