Selon un enregistrement révélé par le «JDD», Eric Laurent, mis en examen samedi pour «chantage et d’extorsion de fonds», aurait réclamé trois millions d’euros au roi du Maroc.
«Je veux trois…trois millions d’euros». C’est ce qu’aurait déclaré Eric Laurent, l’un des deux journalistes français soupçonnés d’avoir fait chanter le roi du Maroc en échange de la non publication d’un livre à charge, dans des enregistrements clandestins révélés ce dimanche par le JDD. «Je veux trois. – Trois quoi, Trois mille ? interroge l’avocat du royaume. – Non, trois millions. – Trois millions de dirhams ? – Non, trois millions d’euros», aurait réclamé Éric Laurent lors de sa première rencontre avec l’avocat, qui a enregistré l’échange avec son téléphone au bar d’un palace parisien le 11 août.
Le Maroc porte plainte après cette première rencontre. La deuxième se fait sous la surveillance de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), mais c’est toujours l’avocat marocain qui effectue les enregistrements à l’insu des journalistes. On l’entend résumer la situation « vous et madame Graciet [êtes] disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage et, de façon plus générale, [que] les informations sensibles que vous avez, vous étiez disposés à prendre l’engagement de les oublier», rapporte le JDD. À la demande de l’avocat, le journaliste assure que sa coauteure Catherine Graciet, sait pour «les trois millions».
Une avance de 40 000 euros en petites coupures
L’hebdomadaire évoque la troisième rencontre et la méfiance de la journaliste, présente pour la première fois, qui fait changer le lieu de rendez-vous et demande à l’avocat de ranger son téléphone, alors posé sur la table. Dans une lettre que s’est procurée le JDD, les deux journalistes s’engagent à «ne plus rien écrire sur le roi du Maroc, en contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros», et réclament une avance.
L’avocat leur aurait remis une enveloppe de 40 000 euros chacun, en petites coupures de 100 euros, et la journaliste rédige alors un protocole manuscrit. A leur sortie du palace où a lieu la réunion, les deux journalistes sont interpellés. Ils ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi pour chantage et extorsion de fonds et laissés libres sous contrôle judiciaire. «C’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages», a affirmé de son côté le conseil de Catherine Graciet. «Un traquenard», résume Me William Bourdon, l’avocat d’Eric Bourdon, qui dénonce une «opération politique» de Rabat contre deux journalistes critiques, «dont l’enquête est de nature à révéler de lourds secrets».
AFP/M.R