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Un an après, « Charlie » continue le combat


La sortie du numéro spécial n'a pas provoqué la ruée qu'avait connu le "numéro des survivants" publié après l'attentat. (Photo AFP)

Il y a un an, les frères Kouachi faisaient un carnage dans la rédaction de Charlie Hebdo, tuant douze personnes. Douze mois après l’attentat, « Charlie » est toujours là, défendant son rôle de journal de combat.

Tiré à un million d’exemplaires, dont une partie destinée à l’étranger, le numéro spécial de Charlie Hebdo, sorti mercredi, reprend la veine anticléricale qui a toujours fait partie de l’identité du journal, avec en une un Dieu barbu, armé d’une kalachnikov et à l’habit ensanglanté, sous le titre : «Un an après, l’assassin court toujours».

«Charlie a toujours été un journal de combat, mais un combat marrant, déconnant!», déclare le dessinateur Riss, directeur de l’hebdomadaire, survivant du massacre qui a tué douze personnes dont plusieurs dessinateurs et collaborateurs vedettes de la publication. «Un an après le crime du 7 janvier, on peut se rassurer sur ce point : contre les dévots, les fanatiques, les agenouillés, les conformistes et les dogmatiques, Charlie vivra», se félicite le directeur de Libération, Laurent Joffrin, dont le journal a hébergé l’équipe de l’hebdomadaire après l’attentat.

«J’adore cette Une. Je ne l’achetais pas avant, mais je l’ai pris plusieurs fois cette année. C’est plutôt bien d’être mal à l’aise en le lisant. Autrement, il y a une espèce de chape de plomb qui s’installe sur la société», assurait Francis, 53 ans, après avoir pris son exemplaire dans un kiosque parisien.

«Rien à foutre de plaire»

Mais cet athéisme provocateur n’est pas du goût de tout le monde. Le journal du Vatican, l’Osservatore Romano, a déploré dès mardi que «derrière le drapeau trompeur d’une laïcité sans compromis», l’hebdomadaire omet de rappeler que de nombreux dirigeants religieux ont condamné la violence au nom de la religion. Le président du Conseil français du culte musulman, Anouar Kbibech, s’est dit «blessé» par cette caricature qui «vise l’ensemble des croyants des différentes religions».

La sortie du numéro spécial n’a pas provoqué la ruée qu’avait connu le «numéro des survivants» publié après l’attentat (7,5 millions d’exemplaires écoulés). À l’époque le slogan «Je suis Charlie» s’affichait partout, dans les manifestations, les bureaux, sur les réseaux sociaux. «Je ne suis pas toujours Charlie», a déclaré à la radio Europe 1 Alain Juppé, concurrent dans l’opposition de droite de l’ex-chef d’État Nicolas Sarkozy pour la prochaine présidentielle, confiant que la Une du numéro anniversaire ne le faisait pas rire.

Un kiosque à journaux de Saint-Germain-des-Prés, qui fut un haut lieu de la vie chic et intellectuelle de la capitale, a reçu plus de 500 exemplaires de Charlie et en avait vendu une vingtaine au petit matin. Il y a un an, il en avait vendu plus de 1 000 en une journée. Actuellement, le journal se vend à environ 100 000 exemplaires en kiosque, dont 10 000 à l’international, auxquels s’ajoutent 183 000 abonnements. Avant l’attentat, Charlie Hebdo, en grandes difficultés financières, ne vendait qu’environ 30 000 exemplaires par semaine.

Dans un éditorial rageur en pages intérieures, Riss rappelle que le journal en a toujours eu «rien à foutre de plaire au plus grand nombre» et que beaucoup souhaitaient sa disparition bien avant l’attentat. «Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants», assure-t-il aussi.

Une dizaine de nouvelles signatures ont rejoint l’équipe depuis un an, mais les morts – dont les dessinateurs Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré et Charb – manquent toujours autant aux survivants. «On pense à eux tout le temps. Je me demande parfois si je ne fais pas un peu le journal qu’ils auraient fait, le journal pour le jour où ils reviendront», confie le directeur.

À l’instar du quotidien conservateur Le Figaro, de nombreux médias se demandent également si la France a «tiré les leçons» de l’attentat du 7 janvier, alors que le terrorisme jihadiste a encore tué 130 personnes le 13 novembre à Paris.

Le Quotidien