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UBS, HSBC ou les méandres de la fraude fiscale « systématique »

Des Français fortunés, démarchés illégalement pour placer leur argent en Suisse et au total, plus d’un milliard d’euros qui auraient échappé au fisc dans l’affaire HSBC, près de dix milliards pour UBS.

Il s’agit là d’une fraude fiscale « systématique » organisée par les deux géants bancaires, selon la justice française. Le parquet national financier (PNF) a demandé le 24 juin le renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de la banque suisse UBS AG et de sa filiale française, et, le 18 octobre, a requis un procès pour le groupe britannique HSBC Holdings Plc et sa branche en Suisse, HSBC Private Bank Suisse (HSBC PB). Les faits reprochés à UBS courent de 2004 à 2011, ceux concernant HSBC de 2006 à 2007. Les deux banques contestent ces accusations.

Le démarchage illicite

HSBC PB s’est livrée à « un démarchage systématique des résidents fiscaux français », note le PNF dans ses réquisitions. Pour UBS, il relève « l’omniprésence » de chargés d’affaires suisses en France pour tenter de trouver des clients -industriels, vedettes, sportifs fortunés- repérés lors de réceptions, chasses, tournois de golf ou de tennis, concerts. Entre 80 et 100 évènements sportifs ou culturels ont ainsi été organisés entre 1999 et 2008, estime le parquet dans son réquisitoire.

Or, UBS AG et HSBC PB n’étaient pas habilitées à intervenir en France. Leurs commerciaux ne devaient donc pas laisser de trace. Les chargés d’affaires helvétiques d’UBS, « les chasseurs », utilisaient des ordinateurs cryptés, distribuaient des cartes de visite sans logo, ne devaient garder aucun nom de client sur eux, faire disparaître les données informatiques sensibles en cas de contrôle et être imprévisibles dans leurs déplacements, selon des consignes délivrées par la banque. Le client signait le contrat, puis le commercial plaçait les documents dans une enveloppe qu’il envoyait en Suisse. Pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays, UBS est accusée d’avoir mis en place une double comptabilité, appelée les « carnets du lait ». Chez HSBC, aucun contrat n’était signé en France et les gestionnaires avaient pour consigne de n’emporter avec eux aucun document nominatif.

Le blanchiment de fraude fiscale

Le parquet évoque dans le cas d’HSBC PB « une politique commerciale entièrement dédiée au blanchiment de fraude fiscale » et pour UBS AG « un blanchiment systématique de fraude fiscale ». Dans le cas d’UBS, l’ancien président du directoire de la filiale française, Jean-Louis de Montesquiou, a ainsi expliqué que les fonds collectés par les chargés d’affaires suisses en France « étaient essentiellement non déclarés » au fisc français. UBS AG et HSBC PB sont accusées d’avoir proposé aux clients de placer leurs avoirs dans des structures offshore basées notamment au Panama ou aux Îles Vierges britanniques, dans des trusts, ou des fondations au Liechtenstein.

Chez HSBC, de nombreuses structures offshore ont été achetées au cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, au coeur du scandale des « Panama Papers ». Afin d’assurer une confidentialité maximale, l’identité des titulaires des comptes pouvait demeurer confidentielle, les relevés bancaires ne pas êtres envoyés en France et rester à disposition du client en Suisse. « Selon la Direction générale des finances publiques, au moins 1,67 milliard ont été frauduleusement soustraits à l’imposition par les contribuables français avec le concours d’HSBC PB », note le parquet. Pour UBS, le PNF évalue au minimum « le montant des sommes fraudées à 9,76 milliards d’euros ». L’amende encourue par les banques, en cas de procès, peut se monter « jusqu’à la moitié de la valeur ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment », d’après le Code pénal.

D’anciens salariés à l’origine des enquêtes

L’affaire HSBC a démarré par la remise fin 2008 aux autorités françaises de fichiers volés par l’ex-informaticien français de la banque HSBC Suisse, Hervé Falciani. Elle avait rebondi en 2015 avec les révélations « Swissleaks » d’un réseau mondial de journaux, accusant le groupe d’avoir fait transiter quelque 180 milliards d’euros sur des comptes en Suisse pour permettre à de riches clients d’échapper à l’impôt dans leurs pays.

Les investigations sur UBS sont aussi nées d’une dénonciation d’anciens salariés. UBS France a été mise en examen pour subornation de témoin, soupçonnée d’avoir voulu faire taire l’un des lanceurs d’alerte, Nicolas Forissier, ex-responsable de l’audit interne de la banque. Elle a également été mise en examen en juillet 2016 pour harcèlement moral à l’encontre d’une autre lanceuse d’alerte, Stéphanie Gibaud, qui était notamment en charge de l’organisation d’événements pour des clients fortunés, selon une source proche de l’enquête.

Le Quotidien/AFP