Suspendu lundi soir par sa fille Marine du Front national, Jean-Marie Le Pen se dit prêt à lui livrer une bataille sans merci, quitte à se poser en obstacle dans sa course pour la présidentielle de 2017.
Après avoir crié à la « félonie » et demandé à la benjamine de ses filles de lui « rendre son nom », le cofondateur du FN a tonné mardi pour dénoncer un « complot » ourdi « de dos ». Surtout le finaliste de la présidentielle de 2002 se dit opposé, « pour l’instant, » à une victoire de la présidente du parti d’extrême droite à l’Elysée, jugeant que ce serait « scandaleux » car, à ses yeux, elle est même « un peu pire » que l’UMP et le PS.
Pas question pour lui d’accepter le verdict du bureau exécutif -« un peloton d’exécution »- qui l’a suspendu lundi du FN et a décidé la tenue d’une Assemblée générale extraordinaire pour retirer des statuts du parti le titre de président d’honneur, dont il jouit depuis 2011.
Cette « répudiation » marque un nouvel épisode dans la saga familiale, après la rupture totale du « Menhir » avec sa fille aînée Marie-Caroline, coupable d’avoir rejoint les rangs des mégrétistes fin 1998.
Baroud d’honneur ? Reste en effet à savoir si sa contre-attaque se traduira surtout par des offensives médiatiques ou s’il pourra mettre à exécution ses menaces de « recours ».
« Plutôt qu’à la retraite, je pense à l’attaque, moi (…) Je me battrai par tous les moyens pour faire rétablir la justice (…) Je ne menace pas, je frappe », prévient-il en évoquant une démarche avec ses « conseils » et « un certain nombre de gens fidèles à l’esprit du FN ».
Seule membre du BE à s’être opposée à sa suspension, Marie-Christine Arnautu a estimé mardi qu’on « ne jette pas le président fondateur du Front d’un revers de la main ». Tout en tentant de minimiser la charge de Jean-Marie Le Pen, traduction d’une « blessure terrible ».
Du côté de la présidente du FN, on refuse d’imaginer une véritable « guerre » père-fille. Wallerand de Saint Just, trésorier du parti, ne « croit pas » que M. Le Pen puisse pourrir la bonne marche du FN, qui pourrait selon lui changer de nom. La guerre ? C’est « plutôt le chant du cygne », affirme un autre mariniste. « Il n’y a aucun recours possible et Le Pen le sait parfaitement ».
« Avec les déclarations qu’il a faites, il est dans le discrédit, il va s’isoler plus encore », veut croire ce cadre en lui opposant « le sang-froid » de Marine Le Pen. Marion Maréchal-Le Pen a pris clairement ses distances en déclarant mardi ne pas vouloir être « prise en otage par Jean-Marie Le Pen » et veut se donner le temps de la réflexion sur sa candidature aux régionales en Paca.
Marine Le Pen a elle choisi de rester assez silencieuse dans les médias. « L’outrance » de son père montre qu’il n’y avait « pas d’autre solution » que la sanction, s’est-elle contentée de déclarer mardi sur Europe 1.
Son bras droit Florian Philippot a lui mis en avant le fait que les militants FN s’étaient « lassés » de ses « provocations permanentes » de M. Le Pen, « très éloignées de la ligne du FN, validée par les adhérents », passés de 22 000 à 42 000 depuis la prise de pouvoir de Marine Le Pen. En clair: mieux vaut ce mauvais moment de déballages médiatiques pour essayer de tourner définitivement la page Jean-Marie Le Pen.
« La faillite d’une entreprise familiale »
Toute à sa stratégie de « dédiabolisation », Marine Le Pen a frappé un grand coup contre son père après ses nouvelles provocations, début avril: répétition de sa vision plusieurs fois condamnée par la justice des chambres à gaz, « détail » de l’Histoire, défense du maréchal Pétain, du « monde blanc » et critique en règle de la démocratie.
Dans les sondages, Mme Le Pen ne semble pas pâtir pour l’heure de ces querelles familiales. « Le Front est plus haut que jamais », proclame M. Philippot en citant un sondage Odoxa publié mardi, qui met Marine Le Pen en tête d’un premier tour de la présidentielle, devant Nicolas Sarkozy et quel que soit le champion de la gauche, Manuel Valls ou François Hollande. Dans l’hypothèse d’un second tour face au président sortant, elle l’emporterait 52%-48%.
A l’UMP, on ironise sur cette crise politico-familiale. « C’est la faillite d’une entreprise familiale », assure Eric Ciotti. « Ca a un côté sectaire et les sectes, ça se termine toujours mal », a jugé en petit comité Nicolas Sarkozy.
AFP