« Ce n’est plus une rivière, c’est un nouveau chemin de randonnée ! » Depuis un mois, les curieux se promènent dans le lit totalement asséché du Doubs, entre Arçon et Morteau, deux bourgades de Franche-Comté distantes d’une vingtaine de kilomètres.
Dans cette région frontalière de la Suisse, la rivière a complètement disparu et la vallée pris des airs de canyon. Des poissons morts gisent sur les pierres et le sol craquelé.
« Je n’ai jamais vu ça. C’est triste pour l’écosystème. Et certains arrivent à dire qu’il n’y a pas de réchauffement climatique… », soupire Marielle, venue du Jura voisin visiter ses parents à Montbenoît. Au pied du village, le défilé d’Entre-Roches offre habituellement le spectacle grandiose de gorges verdoyantes. Mais il n’est plus que désolation. L’orage de mercredi a tout juste formé quelques flaques.
Pas exceptionnel mais plus fréquent
Une vision impressionnante mais pas sans précédent. « Je suis étonnée parce que les gens s’affolent mais la sécheresse n’a rien d’extraordinaire. En 2003, c’était pire », relève Dominique Mollier, maire de Villers-le-Lac.
D’ordinaire, des bateaux panoramiques partent du centre-ville pour faire visiter le Saut du Doubs aux touristes, une cascade de 27 mètres de haut. Aujourd’hui elle aussi est à sec. L’embarcadère a été déplacé vers les eaux plus profondes du lac Brenet.
Sur la place du village, à Ville-du-Pont, 300 âmes, le maire Jacques de Grimaldi discute avec les anciens. « Ce n’est pas exceptionnel », assure-t-il aussi, « mais d’année en année, on s’aperçoit que les échéances se rapprochent. Ça arrive plus régulièrement ».
Des failles existantes
La sécheresse n’est qu’une des explications du phénomène. « On a eu des crues exceptionnelles début et fin janvier. D’après les spécialistes, ça a balayé les galets de la rivière et ça a découvert des failles qui existaient déjà », explique le maire. Des margelles ont été installées pour permettre à l’eau, quand elle reviendra, de poursuivre son chemin sans s’engouffrer dans ces failles qui alimentent la Loue, un petit cours d’eau.
Jacques de Grimaldi s’inquiète pour l’approvisionnement en eau potable des habitants du Haut-Doubs, qui connaît une croissance démographique de 5% par an, profitant de sa proximité avec la Suisse.
« Six villages sont alimentés par des camions citernes », explique Philippe Alpy, le président du syndicat mixte des milieux aquatiques du Haut-Doubs. Le secteur de Pontarlier dépend surtout de la réserve du lac de Saint-Point mais les lâchers d’eau pour réalimenter le Doubs n’ont pas eu d’effets.
« On est à la merci de l’érosion sur notre sol karstique (paysage tourmenté, présentant de nombreuses cavités, NDLR). Plutôt que de mettre la tête dans le sable, il faudrait peut-être sensibiliser les populations à une meilleure utilisation de l’eau », souligne-t-il.
Le 12 juillet, la préfecture du Doubs a pris un arrêté de restriction des usages de l’eau. Le département a été placé en alerte renforcée. Et une étude sera lancée à l’automne pour envisager des travaux d’aménagement du lit du Doubs. Ses conclusions sont attendues dans deux ans.
LQ/AFP