Nicolas Sarkozy a plaidé jeudi à Moscou pour un rapprochement avec la Russie dans le dossier syrien, l’occasion de mener de nouvelles attaques contre François Hollande, au point de susciter critiques à gauche et réserves à droite.
«Il n’y a qu’un seul président de la République, c’est François Hollande. Il mène une politique que je combats, mais je ne saisirai pas l’occasion d’un déplacement à l’étranger» pour critiquer la France, a assuré sur BFM TV l’ancien chef de l’État depuis Moscou, où il s’est entretenu jeudi avec le président russe Vladimir Poutine.
M. Sarkozy ne s’est cependant pas privé de critiquer la politique menée par son successeur à l’Élysée et d’ironiser sur un François Hollande qui aurait «du mal à porter sa propre parole».
L’ancien président français avait auparavant été reçu par le président russe, Vladimir Poutine, dans sa résidence de Novo-Ogarevo près de Moscou. Avant de s’entretenir en privé, les deux ont échangé quelques mots devant la presse. «Je suis content d’être ici à Moscou, et tu connais ma conviction que le monde a besoin de la Russie», a lancé Nicolas Sarkozy, qui voit Vladimir Poutine pour la troisième fois depuis qu’il a quitté l’Elysée en 2012.
C’est peu ou prou ce qu’il avait dit auparavant aux étudiants de l’institut des relations internationales de Moscou MGIMO, plaidant pour un «rapprochement» des deux pays, dont les relations se sont détériorées depuis la crise ukrainienne. Pour lui, Moscou est «incontournable» dans le règlement du dossier syrien.
Contrairement à François Hollande, il a appelé à ne pas faire du départ de Bachar Al-Assad un «pré-requis», même si «quelqu’un qui a sur la conscience la mort de 250.000 compatriotes ne peut pas représenter l’avenir du pays». Il a rapporté avoir demandé à M. Poutine de «bombarder ces barbares de Daech et non l’opposition» modérée au régime de Bachar al-Assad.
Le Premier ministre Manuel Valls, interrogé sur cette visite, avait demandé à ne «pas mettre en cause» la position de la France «à l’extérieur», en soulignant qu’il s’agissait de la ligne de conduite du PS quand Nicolas Sarkozy était président de la République.
M. Sarkozy a refusé de lui répondre: «Je ne veux pas polémiquer» ni céder à «la petite politicaille». «Il me paraît normal que l’ancien président de la République et chef de l’opposition aille discuter» avec des dirigeants étrangers, a expliqué M. Sarkozy, précisant qu’il se rendrait notamment en Chine dans les prochains mois.
De fait, cette visite est quelque peu inédite: celle d’un ancien chef de l’Etat toujours activement engagé en politique, en visite chez l’un des plus importants dirigeants de la planète, livrant une analyse antagoniste de la position officielle française.
M. Sarkozy a évolué à l’égard du président russe. Avant son élection en 2007, il avait multiplié les critiques contre les «exactions» en Tchétchénie. Et le Kremlin avait mis deux jours à féliciter le nouveau locataire de l’Elysée. Puis vint la crise russo-géorgienne de 2008. Alors président en exercice de l’Union européenne, M. Sarkozy avait proposé sa médiation, non sans essuyer quelques critiques de plusieurs pays de l’ex-bloc de l’Est.
« Prêt à tout »
Sept ans plus tard, la donne a changé. La droite française est dans l’opposition et reproche majoritairement à François Hollande son attitude envers Moscou, sur fond de sanctions économiques mutuelles UE-Russie. Et en Syrie, «la France est hors-jeu» en raison de «l«intransigeance irréfléchie de François Hollande» envers Moscou, estime François Fillon sur son blog jeudi.
Et chaque prétendant à la présidentielle de 2017 y est allé de son billet de blog jeudi. L’ancien Premier ministre Alain Juppé a, en prenant soin de ne pas citer Nicolas Sarkozy, exhorté à parler «franchement» à «ce partenaire incontournable» qu’est la Russie…. «Il y a quelque chose qui me chiffonne chez une partie de la droite française», analyse un ministre actuel. Il s’en est pris en particulier des «agitateurs» de droite, qui «se positionnent uniquement dans le sens inverse de ce que dit François Hollande. Sarkozy fait partie de ceux-là. Il est prêt à tout, même à lécher les babouches de Poutine».
AFP