«On se croirait en guerre». Détonations, tirs en rafales, militaires déployés et survol d’hélicoptère ont réveillé mercredi avant l’aube les habitants du centre de Saint-Denis, où un assaut a été donné dans un appartement. «J’aurais jamais pensé que des terroristes puissent se cacher ici», déclare un témoin.
L’opération, qui vise notamment l’organisateur présumé des attentats de vendredi à Paris, a démarré après 04h00. Hayat, 26 ans, qui avait passé la nuit chez des amis, rue du Corbillon, là même où se déroule l’assaut, a entendu «des coups de feu» au moment où elle sortait, «j’ai pensé à un règlement de comptes».
«Mais les tirs ont continué, beaucoup de renforts sont arrivés et ont bouclé l’avenue de la République. On se croirait en guerre», dit-elle. «J’aurais pu me prendre une balle…». Samira, 39 ans, sociologue, qui habite au dernier étage d’un petit immeuble, à 200 m de l’assaut, a été réveillée «par des explosions très fortes et de longs moments de tirs», dit-elle au téléphone.
«Avec mon compagnon on s’est dit « ça y est, ça repart », ça a tellement fait écho à ce qui s’est passé vendredi». Cette mère de famille a aussitôt calfeutré la chambre de ses enfants «pour qu’ils n’entendent pas les tirs», avant d’appeler police et pompiers, qui lui ont expliqué la situation.
Elle avoue avoir «eu très peur, quand ils ont illuminé les toits, avec l’hélicoptère qui tournait. On a pensé que des gens s’étaient échappés par les toits. Là je me suis dit: +si ça se trouve, on va se retrouver avec des forcenés dans les rues+».
Samira suit les consignes de sécurité de la préfecture de police, qui a recommandé aux habitants de Saint-Denis de rester chez eux. Le centre de cette ville de Seine-Saint-Denis, juste au nord de Paris, a été entièrement bouclé par les forces de l’ordre.
Peu avant 07H30, des détonations étaient encore entendues. Une cinquantaine de militaires étaient déployés à l’entrée du périmètre de sécurité, le long des vitrines des magasins, fusils d’assaut à la main.
Les écoles et collèges du centre-ville sont fermées pour la journée et le trafic des métros, bus et tramways desservant Saint-Denis a été interrompu.
«J’ai rendu service»
Dans la rue, un homme âgé d’une trentaine d’années affirme sous couvert de l’anonymat que c’est dans son appartement, au 8, rue du Corbillon, que les policiers ont donné l’assaut. Un appartement, dont il aurait en réalité forcé la porte, et qui serait un squat, explique une de ses amies.
«Un ami m’a demandé d’héberger deux de ses potes pour quelques jours», a raconté à l’AFP cet homme. «J’ai dit qu’il n’y avait pas de matelas, ils m’ont dit +c’est pas grave+, ils voulaient juste de l’eau et faire la prière. J’ai rappelé mon ami. Il m’a dit qu’ils venaient de Belgique», a-t-il poursuivi.
«On m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service, je n’étais pas au courant que c’était des terroristes», a expliqué cet homme, très agité, avant d’être menotté et emmené par les policiers. Dans une ruelle commerçante voisine, Sami, 29 ans est surpris. Selon lui, l’homme arrêté n’est «pas du tout radical, c’est un fêtard. La mosquée il connait pas! C’est un mec +sexe drogue alcool+».
Au lever du jour sur Saint Denis, l’hélicoptère tourne toujours au-dessus du centre.
«On dirait qu’on est dans une zone de guerre, là», remarque un autre riverain de 32 ans, qui souhaite garder l’anonymat. «On est passés d’un quartier de crackers (dealers) à un quartier de terroristes».
«On est en sécurité là? Franchement, on est en sécurité?», interroge Naïm, 33 ans, qui habite à deux rues et suit les événements depuis le trottoir. «Y’a les mecs de la BRI qui circulent cagoulés avec le « gun » à la main», dit-il. «Non faut se barrer là», répond un riverain.
AFP/M.R.