Le 10 mai 2013, Lévy Rougeaux sauvait de la noyade le projet du Progrès en scorant à la dernière minute d’un match de barrage contre Strassen. Qui sera son dernier match en DN avec le Progrès, dimanche.
On joue la 118e minute d’un match de barrage qui sent de plus en plus mauvais pour le Progrès, en ce 10 mai 2013. Le cœur de Lévy Rougeaux s’est déjà arrêté plusieurs fois, quand l’avant-centre de Strassen, Serdjio Pupovac, s’est retrouvé seul aux six mètres mais n’a pas cadré son tir, à un quart d’heure de la fin. Et puis quand son ciseau retourné a été dévié sur la barre par Chioato, à la 92e.
Deux crises cardiaques plus tard, donc, Niederkorn se retrouve en prolongations, à jouer sa tête parmi l’élite. Menaï, l’ «autre» attaquant, vient de se déboîter l’épaule… et de se la remettre seul pour rester sur le terrain. Rougeaux, qui trois semaines plus tôt marquait à la 92e minute contre Pétange (1-0) trois points vitaux qui écartaient la menace de la relégation directe et, huit jours plus tôt à la 88e minute contre Hamm (2-2), le but qui assurait le barrage, guette l’instant. Et cela nous ramène à la 118e minute, 120 secondes avant la loterie des tirs au but. Au centre, Menaï. Plein axe, Rougeaux. Tête décroisée et but. Un héros niederkornois est né.
«C’est le plus important de tous les buts de ma carrière», reconnaît Rougeaux. La preuve : 31 mois après, on lui en parle encore. Son père, sa femme, ses coéquipiers, des supporters, conscients sûrement que le projet sportif de ce club qui commence sérieusement à regarder vers le haut mais plombé par un début de saison innommable, aurait pris un sérieux coup derrière la tête en cas de relégation. «Où en serait le Progrès si on était descendu ce jour-là ?, s’interroge Rougeaux. Je ne sais pas, mais sûrement pas là où il en est aujourd’hui. Il n’aurait peut-être pas encore joué l’Europe non plus.»
Deux ans et demi après, Rougeaux n’a plus l’étoffe du héros. Sur le départ pour Rodange pour «retrouver du temps de jeu, envisager la montée et passer plus de temps avec (s)a famille», le Français épie avec envie le dernier match de championnat de l’année et de sa carrière niederkornoise, dont la charge symbolique ne lui a pas échappé : dimanche, le Progrès reçoit Strassen. Après 75 rencontres de DN depuis 2013 pour les jaunards et 27 buts, mais avec seulement cinq rencontres et deux titularisations au compteur cette saison, le Français adorerait tirer sa révérence avec décence et dans le souvenir de cet apport majeur qu’il a légué au club en mai 2013. «Ce serait effectivement un joli clin d’œil.»
«J’ai pris un énorme coup sur la tête»
Pas sûr cependant que Pascal Carzaniga, qui a avoué à son arrivée au poste qu’il aurait «tout fait pour retenir Rougeaux au club» s’il était arrivé plus tôt, opte pour la voie la plus romantique. L’UNA compte en effet deux points d’avance sur le Progrès avant le choc de ce week-end et l’opportunité de reprendre la 5e place avant la trêve hivernale ne s’accommode pas forcément d’une gestion sentimentale de l’effectif. Si Rossini est encore blessé aux adducteurs, Menaï, touché lui au visage contre Bastendorf en Coupe (ce qui a permis à Rougeaux de s’offrir une heure de temps de jeu), devrait pouvoir tenir sa place. Du coup, «avec les règlements sur les étrangers, je ne sais même pas si je serai dans les seize, grince Rougeaux. Pourquoi le coach me prendrait, alors qu’il ne fait même pas vraiment tourner l’effectif en Coupe ?»
Le Français estime qu’on lui a «joué beaucoup de violon ces derniers mois». Son costume de héros ne pouvait pas le protéger éternellement et surtout pas de la déception d’avoir raté LE grand rendez-vous européen de sa carrière. Champion avec la Jeunesse mais en partance à l’été 2009 pour le RFCU qui avait joué l’Europa League… l’été précédent, Rougeaux n’avait en effet jamais connu les joutes continentales. Il a donc vécu comme une insulte personnelle le fait d’avoir été placé sur le banc contre les Shamrock Rovers, en juillet dernier, pour le grand retour européen du Progrès après 30 ans d’absence et alors que «toute (s)a famille était venue» le voir jouer. Sa décision de partir vient de là. «J’ai pris un énorme coup sur la tête ce jour-là.» Surtout que comme tout le monde le lui répète depuis 31 mois, on ne sait pas où en serait Niederkorn sans son coup de tête…
Julien Mollereau