Rich Simon, 46 ans, journaliste pour RTL Radio, commente chaque jour en direct le Tour de France. Journaliste depuis 1995, free-lance puis salarié depuis 2007, il est la voix du cyclisme sur RTL radio où il a succédé à Marcel Gilles.
Le Quotidien : Vous commentez le Tour de France pour RTL Radio. Comment le vivez-vous?
Rich Simon : Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours été passionné par le cyclisme, que j’ai pratiqué chez les jeunes au VC Diekirch. J’ai vite vu que je n’avais pas de talent, donc j’ai arrêté. Mais il s’agit d’une passion familiale, mes parents tenaient un bistrot à Diekirch et dans les années 60, quand Charly Gaul roulait encore, mes parents avaient un stand de boissons et de glaces dans la montée du circuit final du Tour de Luxembourg. Au café, pendant cette course qui se terminait traditionnellement à Diekirch, les journalistes du Luxemburger Wort venaient chez nous pour écrire leurs textes et les envoyer à Gasperich.
Vous pensiez, à ce moment-là, que vous suivriez le Tour?
C’est un rêve pour chaque coureur je pense, et pour chaque journaliste, également. Nous avons la chance de le faire, peu en ont la possibilité. Il s’agit de la plus grande course du monde, nous sommes en route pendant un mois. C’est un rêve que je peux vivre désormais.
Vous vous souvenez de votre premier Tour?
J’ai regardé mes accréditations récemment et j’ai compté, il s’agit de mon 17 e Tour de France.
Lorsque vous êtes à l’antenne, ici sur le Tour, avez-vous conscience que vous vous adressez à un public qui se trouve assis dans sa voiture, par exemple dans un embouteillage en ville ou sur une route entre Ettelbruck et Echternach?
C’est curieux ce que vous me dites, car je n’en avais pas conscience avant cette année. Un type m’a appelé avant le Tour pour me demander combien de Tours de France nous avions couverts, en tant que radio luxembourgeoise. Je ne le savais pas et j’ai téléphoné à Petz Lahure (NDLR : le président de sportspress.lu, l’association de la presse sportive luxembourgeoise) qui m’a renseigné. Ce devrait être le 55 e Tour de France que nous couvrons. Je ne suis que le quatrième commentateur pour la radio et là je dois dire que j’étais un peu effrayé de passer après Tun Deutsch, Pilo Fonck, Marcel Gilles. Je suis le quatrième à faire le live. C’est spécial.
Couvrir le Tour de France implique quoi?
Cela implique surtout qu’on se doit de couvrir toutes les courses, même les petites. On doit se tenir au courant, lire les journaux. C’est un peu comme les coureurs, je pense qu’on ne peut pas couvrir le Tour si on n’est pas préparé. On doit connaître des anecdotes, l’histoire de ce sport. On ne peut pas se permettre de plonger dans nos notes. On doit être spontané. Par exemple, lundi, lorsque Bob Jungels était échappé, il pouvait être l’un des vainqueurs à Gap, ce qui n’était plus arrivé depuis le succès d’Andy Schleck en 2011, au Galibier. On doit garder ça en mémoire.
Depuis que vous suivez le Tour, quelle journée vous a marqué?
Une journée triste, il y a une douzaine d’années, un enfant s’était fait tuer par une voiture de la caravane qui représentait Haribo. Le slogan publicitaire, c’était : « Avec Haribo, la vie est belle ». Cela m’avait choqué.
Cette notion de danger, vous la ressentez sur le Tour?
Oui, tous les jours il y en a. Les spectateurs comme les coureurs prennent des risques. Et les spectateurs sont très nombreux sur le Tour.
Quel rapport observez-vous avec les cyclistes luxembourgeois?
Des rapports professionnels, je ne veux pas avoir de rapports amicaux, on ne peut être ami et être objectif. J’ai une bonne relation néanmoins.
Quel regard portez-vous sur les coureurs du Tour?
Je les admire pour ce qu’ils font. C’est énorme. J’en parlais avec un ami récemment qui est dans le foot. Dans une Coupe du monde, l’intendance des joueurs arrive avec des matelas personnalisés. Ici, les coureurs, on peut les croiser dans des hôtels où on ne se risquerait pas en vacances. Tous les jours, ils changent.
Le Tour de France reste la plus grande course du monde, mais est-ce toujours justifié à vos yeux?
On sait que les parcours de la Vuelta et du Giro sont souvent plus difficiles ces dernières années. Cette année, il y aura douze arrivées au sommet sur le Tour d’Espagne. Mais ce qui fait la force du Tour, c’est sa couverture médiatique. Comme Bob Jungels le dit, tu peux faire une échappée au Tour du Pays basque et ça va rarement au bout. Ici, la force du public, de la pression médiatique, fait qu’on assiste à une classique tous les jours.
Le cyclisme luxembourgeois se trouve à la croisée des chemins, une génération part, une autre arrive. Cela vous inspire quoi?
Après la génération Schleck arrive Bob Jungels qui, je le pense, peut très bien signer un top 10 dans le Tour, d’ici deux ou trois ans. Après Bob, il y a Tom Wirtgen que je vois bien passer pro. Quant à Kevin Geniets, il pourrait suivre les traces de Ben Gastauer. On n’a pas à se plaindre si on repense au trou d’air qu’a connu le cyclisme luxembourgeois dans les années 90 où on ne connaissait plus que Pascal Triebel. Il faut être réaliste, le podium de 2011, on ne le reverra plus. Nous sommes un tout petit pays, qui se porte très bien!
Pourquoi ce sport se porte si bien au Luxembourg?
C’est vrai, l’histoire le montre. Je ne sais pas pourquoi on continue de sortir autant de coureurs. On n’a toujours pas de vélodrome, pas beaucoup de pistes cyclables. Mais pour un si petit pays, avoir autant de bons coureurs, c’est appréciable.
Sur ce Tour de France, quel est votre dispositif?
Nous sommes en permanence deux pour la radio. Gilles Tricca était avec moi pour la première partie, désormais, c’est Tom Nols. Ils sont chargés des à-côtés et des interviews après le live, alors que je prépare les journaux du soir et du lendemain matin. Ce sont eux qui font le gros du travail dans l’aire d’arrivée. Je leur dois beaucoup. On bénéficie également du soutien de RTL télé.
Que pensez-vous du regard particulier qui règne autour de Chris Froome depuis son succès à La Pierre-Saint-Martin?
C’est difficile à dire, j’ai l’impression que tout le monde se casse la tête sur lui. Je pense que les anciens professionnels qui sont consultants et qui dénoncent Froome ne pèsent pas leurs mots. Si on voit ce qui s’est passé entre Froome, Jalabert et Vasseur, les deux consultants de France Télévisions, tout cela crée beaucoup de tension, de malentendus.
Finalement, Froome n’a eu guère de problème avec des journalistes. À côté de ça, en zone mixte, où on peut interroger les porteurs de maillots distinctifs comme le vainqueur de l’étape, tout le monde a droit à une question. Sauf Robbie McEwen (NDLR : L’ancien sprinteur australien a arrêté sa carrière en 2012), qui lui, a droit à six questions pour on ne sait quelle raison. Les consultants ont plus de droits que les journalistes et ce n’est pas normal. De plus, ils font copain-copain. Mais quand ça se passe mal…
Entretien avec notre envoyé spécial à Pra-Loup, Denis Bastien